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 Cours 4 : Axiologie esthétique du
      "Chef-d'oeuvre inconnu" de Balzac
 ArgumentDans ses Präludien, le
      néo-kantien Windelband définit l'axiologie comme
      la branche de la philosophie pratique qui traite de la constitution
      des valeurs. Cette notion peut être entendue sur son versant
      éthique comme sur son versant esthétique, d'autant
      que Rickert (cette autre figure de l'école de Baden) va
      jusqu'à subsumer le concept d'axiologie sous celui de
      culture.
 Sous la restauration, tandis que Victor Cousin tentait vainement
      - au nom de l'éclectisme - cette synthèse entre
      raison pratique et jugement de goût (notions que Kant distingue
      encore, non sans hésitations), Balzac inscrivait déjà
      son esthétique dans une logique générale
      des valeurs. La fiction heuristique du Chef-d'oeuvre inconnu
      en constitue la trace la plus lisible.
 Si nous ne saurions mesurer la portée de l'axiologie balzacienne
      à l'aune de la critique des sources, il n'est sans doute
      pas innocent de noter - dans le bouillonnement des esthétiques
      qui marqua la fin du XVIIIe et le début du XIXe siècle
      - que Schleiermacher tente une synthèse comparable dans
      ces leçons d'esthétiques (Vorlesungen über
      Aesthetik, publiées en 1842).
 Avec les avant-gardes du XXe siècle, c'est de la valeur
      axiologique que se déduira la valeur esthétique,
      dans la mesure où l'art abstrait est fondé également
      sur "la recherche de l'absolu". Cette imitation de
      l'absolu - littéralement ce suprématisme - ne peut
      conduire qu'à la peinture non-objective, qui s'assume
      comme telle alors que maître Frenhofer ne peut historiquement
      en avoir qu'une conscience malheureuse. Il faut comprendre Le
      chef-d'oeuvre inconnu comme une critique de l'imitation de l'absolu
      dans l'objectif et non pas comme une critique définitive
      de la recherche de l'absolu dans l'art. Dans la figure de l'échec
      de maître Frenhofer, c'est en déplaçant la
      recherche de l'absolu hors du domaine de l'ut pictura poesis
      que Le chef-d'oeuvre inconnu annonce l'abstraction picturale.Enfin, cette critique de l'absolu dans la figuration (de l'axiologie
      éthique dans l'esthétique), parce qu'elle est littéraire,
      engage aussi le langage comme critique de ce que Valéry
      appellera la fiducia, qui désigne l'adhésion spontanée
      que nous donnons aux mots, abstractions creuses, monnaies dévaluées.
      L'absolu étant explicitement chez Balzac (implicitement
      chez Marx?) cet espace fiduciaire pur où la valeur est
      saisie en soi indépendamment de l'usage et de l'échange
      (de la parole et de son commerce). Ainsi l'itinéraire
      des poètes Lucien de Rubempré et Canalis (mais
      aussi ceux du peintre Schinner et celui du Sculpteur Steinbock)
      peut-il apparaître comme le passage de l'absolu de la fiducia
      au fantastique quotidien du monde monétarisé. Seul
      le peintre Joseph Bridau, figure de Delacroix, échappe
      à ce destin, or ce dernier nous conduit à Baudelaire,
      lecteur de Balzac, qui déjouera la nostalgie légitimiste
      du roman par le poème en prose de la vie moderne.
   Corpus de travail avec les étudiants BALZAC Honoré de, Le chef d'oeuvre inconnu, Gambara, Massimilla
      Doni, GF/Flammarion, 1981.
 BALZAC Honoré de, La cousine Bette, éd. Pierre
      Barbéris, Folio/Gallimard, 1972.
 BALZAC Honoré de, Les illusions perdues, Folio/Gallimard,
      1972.
 BALZAC Honoré de, La recherche de l'absolu, intr. et notes
      de Nadine Satiat, Flammarion, 1993.
 BALZAC Honoré de, Les secrets de la princesse de Cadignan,
      et autres études de femmes, éd. Samuel Sylvestre
      de Sacy, Gallimard, 1981.
 BibliographieDIDI-HUBERMAN Georges, La peinture incarnée, Minuit, 1985.
 EIGELDINGER Marc, La philosophie de l'art chez Balzac, Genève,
      P. Cailler,1957.
 LAUBRIET Pierre, L'intelligence de l'art chez Balzac : d'une
      esthétique balzacienne, reproduction en fac.-sim. de l'édition
      de Paris, Didier, 1961, Genève, Slatkine, 1980.
 MAHIEU Raymond, LERICHE Françoise, DAVID Eric, L'oeuvre
      d'art : Honoré de Balzac, "Le chef d'oeuvre inconnu,
      "Gambara", "Massimilla Doni" ; Marcel Proust
      "A l'ombre des jeunes filles en fleur..." ; Rainer
      Maria Rilke "Lettres à un jeune poète, Belin,
      1993.
 NISHIO Osamu, La signification du cénacle dans "La
      comédie humaine" de Balzac, Tokyo, 1980.
 PITT-RIVERS Françoise, Balzac et l'art, éd. du
      Chêne, 1993.
 PARIS Jean, Balzac, Balland, 1986.
 RICKERT Heinrich, Die Grenzen der naturwissenschaftlichen Begriffsbildung,
      eine logische Einleitung in die historischen Wissenschaften,
      Tübingen, J. C. B. Mohr, , 1902.
 RICKERT Heinrich, Kulturwissenschaft und Naturwissenschaft, Tübingen,
      J. C. B. Mohr, 1910.
 ROBB Graham, Baudelaire, lecteur de Balzac, José Corti,
      1988.
 WINDELBAND Wilhelm, Präluden, Aufsätze und Reden zur
      Philosophie und ihre Geschichte, Fribourg/Tübingen, 1884.
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 Cours 5 : Recherches sur les sources classiques
      de la "modernité" baudelairienne ArgumentValéry estimait que
      "l'essence du classicisme est de venir après".
      A en juger par l'oeuvre de Baudelaire, il n'est pas certain que
      la modernité esthétique entretienne la même
      relation chronologique avec le classicisme. Tout indique plutôt,
      chez le père de la notion de modernité (le néologisme
      proprement dit est de Balzac), que les deux coexistent. Déjà
      Delacroix- à qui Baudelaire doit tant - dans son Journal,
      tient que le beau naît d'une synthèse entre sa nécessaire
      éternité et sa contingente actualité. Delacroix
      est ce lecteur de Boileau qui (on songe à Musset) s'essaye
      à réconcilier Racine et Shakespeare, Mozart et
      Beethoven, Raphaël et Michel-Ange.
 Cette modernité apparaît encore et toujours sous
      son avatar chrétien en ce que la relation entre l'esprit
      classique du beau et son corps historique (romantique) est perçu
      en tant que chute du premier dans le second. En esthétique,
      Baudelaire se montrera plus inactuel qu'avant-coureur puisqu'il
      n'illustre la sensualité poétique moderne que 70
      ans après la proclamation par Herder du refus de la primauté
      sans partage de la vue en esthétique (Cf. Plastik, 1778).
 En outre, les deux volets de la modernité baudelairienne
      correspondent aux deux moments du célébrissime
      ouvrage qui fonda le classicisme de Weimar : Histoire de l'art
      de l'antiquité de Winckelmann. La première partie
      traite de l'art "selon son essence", l'autre de l'art
      grec selon "les circonstances extérieures du temps".
      Les formules emblématiques employées par Baudelaire
      dans Le peintre de la vie moderne : « Le beau est fait
      d'un élément éternel, invariable, dont la
      quantité est excessivement difficile à déterminer,
      et d'un élément relatif, circonstanciel, qui sera,
      si l'on veut, tour à tour ou tout ensemble, l'époque,
      la mode, la morale, la passion [...]La modernité, c'est
      le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de
      l'art, dont l'autre moitié est l'éternel immuable.
      » peuvent être lues comme un résumé
      de l'oeuvre maîtresse de Winckelmann.
 Aux sources de cette modernité, il est une autre esthétique
      - même si rien n'indique, sous réserve de recherches
      plus poussées, qu'elle ait directement influencé
      Baudelaire - celle de Leopoldo Cicognara. Inspiré fondamentalement
      par l'esthétique néo-classique Winckelmann, Cicognara
      est un des tout premiers théoriciens de l'esthétique
      à subir l'influence kantienne. Dans son analyse du concept
      de beau, Cicognara distingue : un beau relatif (subordonné
      au sentiment subjectif, aux murs, à la mode, etc.), un
      beau absolu (qui est propre aux formes symétriques et
      proportionnelles), un beau idéal (union de toutes les
      perfections et qui n'a pas de modèle dans la nature) d'avec
      le sublime, dont il distingue trois genres à l'instar
      de Kant.
 Grand poète, Baudelaire, en dernière analyse, n'a
      pas d'originalité esthétique autre que celle que
      lui confère l'usage du mot modernité qu'il emprunte
      à Balzac (et que Gautier reprit également). Si
      son esthétique, dont Delacroix est l'intercesseur, est
      moderne, il le doit à Herder. Mais s'il fallait la définir
      plus précisément, nous dirions qu'elle est classiquement
      moderne par Cicognara et Winckelmann.
 Nous nous interrogerons sur ce formidable décalage entre
      des esthétiques conçues à la fin du XVIIIe
      et leurs illustrations littéraires qui sont venues trop
      tard pour s'inscrire dans le débat esthétique.
 Bien loin de déboucher sur une postmodernité, c'est
      à une refondation de la modernité que cette mise
      à l'épreuve critique pourrait bien nous conduire.
 Corpus de travail avec les étudiantsBAUDELAIRE Charles, Curiosités esthétiques : l'art
      romantique et autres oeuvres critiques, Garnier, 1963.
 BibliographieCICOGNARA Leopoldo, Del Bello, Firenze, Molini, Landi, 1808.
 HERDER, Plastik (1778) in Herders sämmtliche Werke, vol.viii,
      Berlin, Weidmann, 1877-1913.
 LETER Michel, Baudelaire et Cicognara : observations sur les
      sources de la « modernité » baudelairienne,
      Essais critiques sur la littérature 1983-1994, volume
      xxvi, L'invendu, Paris, 1995.
 MESCHONNIC Henri, Modernité, modernité, Lagrasse,
      Verdier, 1988.
 WINCKELMANN Johann Joachim, Histoire de l'art chez les anciens,
      reproduction en fac-similé de l'édition d'Amsterdam,
      1766, Minkoff, 1972.
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 Cours 6 : Le peintre Elstir et le musicien
      Vinteuil : l'esthétique éponymique de Marcel Proust ArgumentIl n'est pas certain que la
      critique ait à gagner en reconstruisant Whistler, Turner
      ou Renoir dans Elstir, et moins encore Franck ou Debussy dans
      Vinteuil. Il est également hasardeux d'utiliser ces "reconnaissances"
      pour tenter d'accréditer l'idée que Marcel Proust,
      le moderne, fut en phase avec les avant-gardes picturales et
      musicales de son temps.
 Car c'est par des moyens proprement romanesques que cette esthétique
      est traduite : ce qui, pour la réminiscence proustienne,
      voulait la métaphore et la comparaison, voudra l'éponymie
      pour les personnages de "la Recherche".
 L'éponymie est l'équivalent - pour un personnage
      (réel ou imaginaire) - de la métonymie de la partie
      pour le tout.
 Ce qui fait la modernité de l'esthétique de Proust,
      en deçà même de la vision du narrateur, c'est
      qu'Elstir et Vinteuil sont les fruits d'une métonymie
      du créateur pour la création et non du personnage
      pour le type.
 Corpus de travail avec les étudiants PROUST Marcel, A l'ombre des jeunes filles en fleur, Folio/Gallimard,
      1972.
 PROUST Marcel, Du côté de chez Swann, Folio/Gallimard,
      1976.
 PROUST Marcel, Le temps retrouvé, Folio/Gallimard, 1972.
 BibliographieBOYER Philippe, Le petit pan de mur jaune : sur Proust, Seuil,
      1987.
 FISER Emeric, L'esthétique de Marcel Proust, Slatkine
      Reprints, 1990,
 HENRY Anne, Marcel Proust, théorie pour une esthétique,
      Klincksieck, 1983.
 LE PICHON Yann, Le musée retrouvé de Marcel Proust,
      Stock, 1990.
 PLACELLA SOMMELLA Paola, Marcel Proust e i movimenti d'avanguardia,
      Roma, Bulzoni, 1982
 VENISHI Taeko, Le style de Proust et la peinture, Sedes, 1988.
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 Cours 7 : Pierre Reverdy et les peintres
      cubistes ArgumentSi on ne peut parler de formes
      poétiques autrement que dans le registre de la métaphore,
      il reste que les poètes modernes élisent volontiers
      domicile dans le monde des formes en rêvant d'une impossible
      symbiose de leurs créations avec celles des artistes.
      A la faveur de ce cours, nous tenterons de mesurer l'impact de
      la présence d'un poète tel que Reverdy dans la
      révolution plastique du premier vingtième siècle.
 Corpus de travail avec les étudiantsREVERDY Pierre, Notes éternelles du présent, écrits
      sur l'art, 1923-1960, in oeuvres complètes, vol. 14, Flammarion,
      1989.
 REVERDY Pierre, Plupart du temps (1915-1922), préface
      d'Hubert Juin, Poésie/Gallimard, 1989.
 REVERDY Pierre, Au soleil du plafond et autres poèmes,
      Flammarion, 1980,
 REVERDY Pierre, Sources du vent, précédé
      de La balle au bond, préface de Michel Deguy, Poésie/Gallimard,
      1971.
 BibliographieAPOLLINAIRE Guillaume, Les peintres cubistes : méditations
      esthétiques, Paris, Herman, 1980.
 LÉGER Fernand, 55 oeuvres, 1913-1953, Exp. Galerie Louise
      Leiris, 2 avril-premier juin 1985, texte de Pierre Reverdy, contient
      "Pour tenir tête à son époque",
      texte de Pierre Reverdy publié pour la première
      fois dans le n° d'octobre-nov.-déc. 1955 de "derrière
      le miroir"(éd. Galerie Maeght).
 LETER Michel, Peut-on parler de formes poétiques ? in
      Essais critiques sur la littérature,1983-1994, volume
      xxviii, Paris, L'invendu, 1995.
 LINDE Maria Andina von der, Pierre Reverdy, poésie nouvelle
      et peinture cubiste, théorie et pratique, [sans lieu],
      [sans date], 1988.
 MALDINEY Henri, Regard, parole, espace, L'âge d'homme,1973.
 PAULHAN Jean, Braque, le patron, Gallimard, 1987.
 PICASSO Pablo, 26 reproductions de peintures et dessins précédées
      d'une étude critique par Pierre Reverdy, Paris, éd.
      de la Nouvelle revue française, 1924.
 ROUBAUD Jacques, "Poétique comme exploration des
      changements de formes", in Biologies et prosodies, Collectif
      change, UGE, 10/18, 1975, pp.74-93.
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 Cours 8 : Sur les peintures croisées
      de Michel Butor ArgumentLe discours esthétique
      de Michel Butor n'est pas tant sur la peinture que dans la peinture.
      Ce qui ailleurs est commentaire, collaboration, voire illustration
      (Butor y cède, par antiphrase, dans la série du
      même nom, dont celle, plus récente, des Avant-goût
      déplace encore l'inachèvement) donne lieu chez
      Butor à de véritables "oeuvres croisées".
 A partir de l'étude des transformations - en cours - du
      Pique-nique au pied des pyramides réalisé dans
      et par la série Egypte-Bleu d'Henri Maccheroni, l'examen
      de cette pratique nous préparera à une relecture
      des années 70, qui resteront sans doute pour avoir été
      le moment d'une synthèse unique entre écriture
      et peinture (à la faveur notamment des travaux des groupes
      Textruction, INterVENTION, du collectif Génération
      et de la galerie 30, auxquels Butor, comme compagnon ou mentor
      - en sa constellation - n'est pas étranger).
 '
 Corpus de travail avec les étudiantsBUTOR Michel, Pique-nique au pied des pyramides, in revue Métafore
      n°1, 1986, La Casa Usher, Florence, pp.7-9.
 BUTOR Michel, Pique-nique au pied des pyramides, in Échanges,
      Carnets 1986, Z'éditions, Nice, 1991, pp. 71-77.
 BUTOR Michel, Pique-nique au pied des pyramides, in BUTOR Michel
      et MACCHERONI Henri, oeuvres croisées/Opere incrociate,
      La Casa Usher, Florence, 1986, pp. 24-26.
 BUTOR Michel, Pique-nique au pied des pyramides avec repères
      venus du premier Génie du lieu, in Le Génie du
      lieu 6, éditions Alessandro Vivas, Paris, 1991, pp. 30-42.
 BUTOR Michel, Pique-nique au pied des pyramides, in Transit,
      Le Génie du lieu 4, Gallimard, Paris, 1992.
 BibliographieBUTOR Michel, Les mots dans la peinture, Skira/Flammarion, Genève/Paris,
      1969.
 BUTOR Michel, Requête aux peintres sculpteurs & cie,
      Crest, La Sétérée, 1986.
 BUTOR Michel, Vanité, conversation dans les Alpes-Maritimes
      (avec Henri Maccheroni et Michel Launay).
 BUTOR Michel et SICARD Michel, Problèmes de l'art contemporain
      à partir des travaux d'Henri Maccheroni, Bourgois, 1983.
 LETER Michel, Ce que nous attendons de Michel Butor et Henri
      Maccheroni, in Le Génie du lieu 6, éditions Alessandro
      Vivas, Paris, 1991, pp.66-79.
 MONTICELLI Raphaël, Approche du continent Butor in Échanges,
      Carnets 1986, Z'éditions, Nice, 1991, pp. 9-27.
 [COLLECTIF] Catalogue de l'exposition les écritures dans
      la peinture, 2 volumes, Centre National des Arts Plastiques,
      Villa Arson, Nice, 1984.
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 Cours 9 : Esthétiques de l'épigramme
      au XVIIIe siècle, Ecouchard Lebrun et Piron ArgumentPourquoi l'épigramme,
      forme mineure du classicisme, a-t-elle pu connaître sa
      période d'efflorescence à des époques majeures
      (monarchie absolue, Révolution, Empire) ? Comment d'un
      point de vue sociocritique cette pratique peut-elle posséder
      une valeur esthétique en ce qu'elle milite tacitement
      contre l'esthétisation du politique ?
 Nous tenterons de répondre à ces deux questions
      en suivant le parcourt de celui qui demeure - sans doute avec
      Alexis Piron - notre meilleur épigrammatiste.
 Corpus de travail avec les étudiantsLEBRUN Ponce-Denis Ecouchard, épigrammes, éditées
      et présentées par Michel Leter, Paris, L'invendu,
      1995.
 BibliographieCOLLETET Guillaume, L'art poétique I, Traitté de
      l'épigramme et traitté du sonnet, texte établi
      et introduction par P. A. Jannini, Genève, Droz, 1965.
 FUCHS Frederich, "Beitrag zur Geschichte des französischen
      Epigramms 1520-1800", in Das Epigramm, zur Geschichte einer
      inschriftlichen un literarischen Gattung, Darmstadt, Wissenschaftliche
      Buchgesellschaft, 1969, pp. 235-283.
 LE BRUN Antoine-Louis, De l'épigramme, in oeuvres diverses
      en vers et en prose, Paris, Prault père, 1736.
 LETER Michel, "Peut-on parler de formes poétiques
      ?" in Essais critiques sur la littérature 1984-1994,
      volume xxviii, Paris, L'invendu, 1995.
 PELETIER Jacques, "De l'épigramme" Art poétique,
      pp. 292-293, in Traités de poétique et de rhétorique
      de la Renaissance, Le livre de poche classique, Librairie générale
      française, 1990.
 SEBILLET Thomas, "De l'épigramme, et de ses usages
      et différences" Art poétique françois,
      pp. 101-107, in Traités de poétique et de rhétorique
      de la Renaissance, Le livre de poche classique, Librairie générale
      française, 1990.
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 Cours 10 : Traduction, histoire, poésie
      : recherches sur les termes de la querelle des anciens et des
      modernes ArgumentAu-delà de la querelle
      d'époque et des stratégies politico-littéraires
      qui commandèrent la querelle des anciens et des modernes,
      ses enjeux furent avant tout philologiques. C'est dans cette
      optique qu'il faut comprendre l'intervention décisive
      de Madame Dacier, traductrice émérite, qui ne consentit
      à la polémique littéraire que pour défendre
      Homère, dans son Des causes de la corruption du goût.
      Le titre de l'ouvrage sonne comme une réaction et alimente
      au demeurant l'antienne du bon goût dressé contre
      la décadence. En fait ce que Dacier vise à travers
      le "moderne" La Motte - traducteur incident d'Homère
      - c'est l'économie chez ceux que l'on dit modernes des
      données philologiques. En cela la position paradoxale
      des "anciens", loin d'être réactionnaire,
      annonce les conquêtes philologiques de la fin du XVIIIe
      siècle. L'intérêt du XIXe siècle,
      par l'intermédiaire de Sainte-Beuve, pour Madame Dacier,
      prend ainsi tout son relief.
 Corpus de travail avec les étudiants DACIER Anne, Des causes de la corruption du goût, réédition
      en fac-similé de l'édition de Paris, 1714, Genève,
      Slatkine, 1970.
 DACIER Anne, Homère défendu... ou suite des causes
      de la corruption du goût, réédition en fac-similé
      de l'édition de Paris, 1716, Genève, Slatkine,
      1971.
 FÉNELON François de Pons de Salignac, Lettres à
      l'Académie, Paris, Lefebvre, 1716.
 FÉNELON François de Pons de Salignac et LA MOTTE
      Antoine Houdar de, Lettres de Fénelon et de La Motte sur
      Homère et les anciens, Paris, 1874.
 FONTENELLE Bernard Le Bouvier de, "Digressions sur les anciens
      et les modernes", in oeuvres complètes, tome II,
      Fayard, 1991, pp.401-431.
 LA MOTTE Antoine Houdar de, Traduction de L'illiade avec un discours
      sur Homère, suivi de La critique, ode et de L'indien et
      le soleil, fable, Paris, 1714.
 perrault Charles de, Parallèle des anciens et des modernes
      en ce qui regarde les arts et les sciences avec le Poème
      du siècle de Louis le grand et une épître
      en vers sur le génie, réimpression de l'édition
      de Paris, 1692-1697, 4 vol., Genève, Slatkine reprints
      1971.
 SAINTE-BEUVE Charles-Augustin, "Mme Dacier", in Causeries
      du lundi, vol. 9, pp.379-410, Paris, 1854.
 BibliographieGLILLOT Hubert, La querelle des anciens et des modernes en France,
      Nancy, 1914
 HEPP Nicolas, Homère en France au XVIIIe siècle,
      Paris, Klincksieck, 1968.
 FONTENELLE Bernard Le Bouvier de, "Description de l'empire
      de la poésie" in oeuvres complètes, tome I
      , Fayard, 1990.
 LETER Michel, "Benserade et les frontières de la
      traduction poétique (à propos des Métamorphoses
      d'Ovide en rondeaux)" in Essais critiques sur la littérature
      1983-1994, volumex, Paris, L'invendu, 1995.
 RIGAULT Henri, Histoire de la querelle des anciens et des modernes,
      Hachette, 1959.
 SANTANGELO Giovanni Saverio, Madame Dacier, una filologa nella
      crisi, 1672-1720, Roma, Bulzoni, 1984.
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 Cours 11 : Histoire et poésie chez
      Victor Hugo ArgumentDans ce cours, à partir
      de l'exemple emblématique de la Réponse à
      un acte d'accusation (Cf. Les contemplations), nous étudierons
      comment l'autonomie de la poétique par rapport à
      l'histoire ne signifie par pour autant une épochè
      de l'histoire en poésie, un repli sur "la poésie
      de la poésie". Hugo signale ainsi sa dette à
      l'égard d'Arnim, auteur en 1817 d'un Poesie und Geschichte,
      qu'Albert Béguin nous fit découvrir dans ce mémorable
      numéro des Cahiers du Sud consacré au romantisme
      allemand. A ce propos, il est intéressant de noter qu'Arnim
      emploie le latinisme Poesie au lieu du germanisme Gedichte. Ainsi,
      en récusant par anticipation ce verbalisme auquel cèdera
      Heidegger (Geschichte-Gedichte), il ooeuvre la voie à
      Hugo.
 Nous évaluerons ce refus de la clôture scientifique
      de l'histoire tant chez le poète que chez l'historien
      à une époque où, en France, l'histoire comme
      genre littéraire relève les insuffisances de l'histoire
      comme science, sous la forme de cette nécessaire union
      de la "science et de l'art" évoquée par
      Augustin Thierry dans ses Récits des temps mérovingiens.
 Avec Hugo non seulement la poésie "n'est pas seule",
      mais elle est engagée dans la querelle historique sur
      les sources de la liberté politique, débat qui
      partage les libéraux (Guizot, Thierry), lesquels estiment
      que le rôle émancipateur est dévolu à
      la bourgeoisie, et les "progressistes", Hugo et Michelet,
      qui l'attribuent au "peuple".
 
 Corpus de travail avec les étudiants HUGO Victor, Les châtiments, Poésie/Gallimard, 1977.
 HUGO Victor, La légende des siècles, éd.
      Léon Cellier, Flammarion, 1967.
 HUGO Victor, Les chants du crépuscule, Les voix intérieures,
      Les rayons et les ombres, Poésie/Gallimard, 1970.
 HUGO Victor, Les contemplations, Poésie/Gallimard, 1973.
 HUGO Victor, Odes et ballades, Poésie/Gallimard, Paris,
      1969.
 HUGO Victor, Les orientales, Les feuilles d'automne, Poésie/Gallimard,
      1981.
 HUGO Victor, William Shakespeare, Flammarion, 1973.
 BibliographieARNIM Achim von, Poésie et histoire, traduction de Poesie
      und Geschichte (1817) par Albert Béguin in Cahiers du
      Sud, numéro spécial consacré au romantisme
      allemand, Marseille, 1949.
 ARISTOTE, Poétique, Les Belles Lettres, 1985.
 AmpÈre Jean-Jacques, De l'histoire de la poésie,
      discours prononcé à l'Athénée de
      Marseille pour l'ouverture du cours de littérature, le
      12 mars 1830, Marseille, Peissat Ainé et Desronchy.
 BRUNET Étienne, Le vocabulaire de Victor Hugo, Paris,
      Genève, Champion, Slatkine, 1980, 3 vol.
 GUIZOT François, De la démocratie en France, Bruxelles,
      Wouters frères, 1849.
 GUIZOT François, Essai sur l'histoire de France, Paris,
      Ladrange, 1836.
 GUIZOT François, De l'état des beaux-arts en France
      et du salon de 1810, Paris, Maradan, 1810.
 GUIZOT François, Études sur les beaux-arts en général,
      Paris, Didier, 1852.
 HERDER Johan Gottfried von, Histoire de la poésie des
      Hébreux (Vom Geist der ebraïschen Poesie), trad.
      Aloyse Christine de Carlowitz, Paris, Didier, 1845, Paris.
 MESCHONNIC Henri, Écrire Hugo, Gallimard, 1977.
 MESCHONNIC Henri, Le poème Hugo, in HUGO Victor, oeuvres
      complètes, édition chronologique publiée
      par Jean Massin, volume 14, 1868-1870,Paris, Club français
      du livre, 1970.
 MICHELET Jules, Le peuple, Flammarion, 1992.
 SCHLEGEL August Wilhelm von, Résumé épigrammatique
      de l'histoire de nos jours in oeuvres de M. Auguste Guillaume
      de Schlegel écrites en français et et publiées
      par Edouard Böcking... volume 1, Leipzig, Weidmann, 1846.
 TéNINT Wilhelm, AE Gustaf, MARTINON Philippe, textes réunis
      et présentés par GRIMAUD Michel, Pour une métrique
      hugolienne, Paris, Minard, 1992.
 CORNULIER Benoit de, GARDES-TAMINE Joëlle, GRIMAUD Michel,
      Victor Hugo, 2. Linguistique de la strophe et du vers, textes
      réunis par Benoit de Cornulier, Joëlle Gardes-Tamine
      et Michel Grimaud, Paris, numéro spécial de "La
      Revue des lettres modernes", 1988.
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      sommaire   
 Cours 12 : Les poètes balzaciens
      et la poétique balzacienne ArgumentA travers la figure centrale
      de Canalis, la relation de Balzac avec la poésie a toujours
      été envisagée sous l'angle de la critique
      sociale. On se perd en conjectures biographiques pour savoir
      si, par le biais de Canalis, Balzac vise Lamartine. La question
      n'est pas soulevée de la relation de la peinture des poètes
      - centrale dans la comédie humaine - avec la pratique
      du poète Balzac dans les années 1819-1823, à
      l'heure où, sur les décombres de la poésie
      didactique, on exhume les poésies de Chénier et
      où triomphent Les méditations poétiques.
      Au-delà des figures de Lucien de Rubempré, Fulgence
      Ridal, Canalis, Dinah Pléderfer, il s'agit de savoir si
      la poétique esquissée par Balzac en 1819-1823 continue
      à se développer chez le Balzac de la "modernité",
      envers et contre l'informel romanesque.
 Corpus de travail avec les étudiants BALZAC Honoré de, Essais poétiques, in oeuvres
      diverses, Pléiade/Gallimard, 1990, pp.1063-1093.
 BALZAC Honoré de, Essai sur le génie poétique,
      in oeuvres diverses, Pléiade/Gallimard, 1990, pp.591-600.
 BALZAC Honoré de, Les illusions perdues, Folio/Gallimard,
      1972.
 BALZAC Honoré de, La muse du département, Folio/Gallimard,
      1984.
 BALZAC Honoré de, Modeste mignon, Folio/Gallimard, 1982.
 BALZAC Honoré de, Mémoire de deux jeunes mariés,
      éd. Samuel S. de Sacy, préf. Bernard Pingaud, Folio/Gallimard,
      1981.
 DELILLE Jacques, Les jardins ou l'art d'embellir les paysages,
      Paris, imprimerie Didot l'aîné, 1782.
 DELILLE Jacques, L'homme des champs ou les géorgiques
      françoises, Strasbourg, imprimerie de Levrault, an viii
      (1800).
 DELILLE Jacques, L'imagination, Paris, Giguet et Michaud, 1806,
      2 vol.
 CHÉNIER André, Poésies, reproduction en
      fac-similé de l'édition de Paris, Charpentier,
      1872, Poésie/Gallimard, 1994.
 CHÉNIER André, "La République des lettres",
      EEuvres complètes tome ii, Delagrave, 1966, pp. 205-234.
 LAMARTINE Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques,
      Nouvelles méditations poétiques, édition
      de Marius-François Guyard, Poésie/Gallimard, 1981.
 BibliographieARRIGON L. J., Les débuts littéraires de Balzac,
      Paris, 1924.
 BODIN Thierry, "Balzac poète" in Année
      balzacienne, N.S. n°3, 1982, pp.151-166.
 CARL Joachim, Unterschungen zur immanenten Poetik Balzacs, Heidelberg,
      C. Winter, 1979.
 CHOLLET Rolland "Du premier Balzac à la mort de Saint-Aubin,
      quelques remarques sur un lecteur introuvable", in Année
      balzacienne, N.S. n°8, 1987, pp. 7-20.
 GAUTIER Théophile, Honoré de Balzac, textes réunis
      et présentés par Claude-Marie Senninger, Nizet,
      1980.
 GUICHARDET Jeannine, Poètes balzaciens, poésie
      balzacienne, in Studi Francesi, n°37, 1993, pp. 301-311.
 PRIOULT André, Balzac avant la comédie humaine
      (1818-1829), contribution à l'étude de la genèse
      de son oeuvre, Paris, 1936.
 ROBB Graham, Baudelaire, lecteur de Balzac, José Corti,
      1988.
 TAPPER Birgit, Balzac und die Lyrik : Unterschungen zur Verseinlage
      in der "Comédie humaine", Stauffenbrung Verlag,
      1989.
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 Cours 13 : Le mythe littéraire de
      la critique voltairienne de Leibniz dans le Candide ou l'optimiste
      et le Poème sur le désastre de Lisbonne Le Candide de Voltaire est sans doute - dans le chaos pédagogique
      de l'année préparatoire au bac français
      - le texte qui résiste le plus à l'approche critique
      (laquelle est pourtant censée guider toute pratique laïque
      de la lecture). Sous couleur d'une critique de l'optimisme, le
      Candide cristallise, pêle-mêle, les clichés
      contemporains de l'engagement intellectuel. A telle enseigne
      que ce petit texte - si grand soit-il par ses qualités
      littéraires - tend à être surdéterminé
      philosophiquement au profit d'une critique généalogique
      de la connaissance. Pangloss=Leibniz, certes, mais un Leibniz
      de seconde main puisque son oeuvre n'a d'autre palimpseste que
      le texte de l'alter ego poétique du philosophe allemand,
      le fameux An Essay on Man (1734) de Pope, dont Voltaire, dans
      sa préface au Poème sur le désastre de Lisbonne
      (1756), loue les « vers immortels ». Désaccord
      sur le fond donc avec l'émule de Leibniz mais admiration
      de la forme (lesquels sont bien, quoi qu'on en dise à
      l'école, séparés sans cesse par les "grands
      auteurs").Mais la réception scolaire du corpus de la "philosophie
      optimiste" est encore plus fuyante que celle de Voltaire
      en raison de l'atomisation de disciplines qui restaient encore
      unies sous la plume du polémiste. (comment peut-on pédagogiquement
      soutenir l'étude du Candide en classe de première
      alors que l'enseignement philosophique n'est dispensé
      qu'en terminale ?).
 La question des mondes possibles annoncée par Leibniz,
      en 1697, dans l'Opuscule sur l'origine radicale des choses, qui
      fait du monde existant le meilleur des mondes possibles, est
      devenue aujourd'hui un topos littéraire, passé
      à la postérité sous la seule forme - fût-elle
      géniale - des caricatures de Voltaire, qui ont détourné
      de Leibniz des générations d'écoliers.
 Ces "gallicismes" scolaires sont d'autant plus anachroniques
      qu'aujourd'hui la sociologie de la littérature reprend
      sur le mode de la théorie des Possible worlds ce versant
      fertile de la pensée de Leibniz.
 En faisant de Voltaire un écrivain et de Leibniz un théoricien,
      nos manuels scolaires partagent arbitrairement ce qui n'appartient
      qu'au domaine de la fiction heuristique. Car c'est une fiction
      qui clôt nécessairement la Théodicée
      de Leibniz, et c'est par une fiction que Voltaire se devra de
      répondre à cet ouvrage, qui se présente
      déjà lui-même comme une réplique à
      Bayle. Tout se passe comme si Arouet n'avait pas lu la Théodicée
      (ce que se gardent de faire également les enseignants
      qui commentent le Candide en suivant le "livre du professeur").
      Car Leibniz ne nie pas le mal mais il lui confère une
      ampleur heuristique bien supérieure à ce que la
      fiction voltairienne lui donnera. Pour Leibniz, on le sait, si
      Dieu a conçu la possibilité du mal, c'est qu'il
      a créé "le meilleur des mondes possibles".
      Un monde absolument parfait dans le bien aurait été
      heuristiquement imparfait dans ses possibilités, la perfection
      divine se confondant avec celle de l'ars combinatoria auquel
      rêve Leibniz. La France littéraire, artistique et
      scolaire, en instrumentalisant Voltaire et Candide, a toujours
      exclu l'heuristique de son territoire pour la renvoyer aux seuls
      mathématiques, privilégiant ainsi le commentaire
      sur la création. La création n'est envisagée
      par cette étrange pédagogie que causalement comme
      une critique des sources et non téléologiquement
      comme fin pratique de la critique littéraire.
 Sensible aux approximations généalogiques d'un
      Foucault, qui assimilait connaissance et pouvoir, l'enseignant
      préférera montrer du doigt Pan-gloss plutôt
      que de présenter aux élèves le Ponocratès
      du Gargantua (fils d'un certain Panta-gruel) dont il est pourtant
      l'héritier. Alors que Descartes et Fontenelle figurent
      aux programmes de littérature française, Leibniz,
      qui écrivit pourtant nombre de ses opuscules en français,
      n'a pas droit à la même faveur, partageant ainsi
      le sort d'un Gilles Ménage proscrit de notre histoire
      littéraire sous l'effet du "Vadius-Pangloss"
      des Femmes savantes de Molière.
 N'en déplaise à Voltaire tout ne va pas «
      le mieux qu'il soit possible » dans cette heuristique.
      Car elle agit comme une poétique - Breitinger (Cf. Critische
      Dichtkunst, 1740) et Bodmer, son illustre préfacier, s'en
      souviendront à propos de Milton, que Voltaire stigmatise.
      Dans un livre consacré au possible worlds, Raymond Bradley
      et Norman Swartz avancent que le monde de la fiction ne doit
      pas faire l'objet d'un traitement de faveur (« The world
      of fiction needs no special indulgence » ). Le diagramme
      cartésien qu'ils donnent des mondes possibles («
      Non-Actual Worlds ») divisés en « Physically
      Impossible » et« Physically Possible »,
      cette dernière catégorie incluant le monde donné
      (« The Actual World »). Ces catégories ont
      l'avantage d'admettre la validité heuristique de la fiction.
      Mais cette reconnaissance n'est que logique et computationnelle.
      Elle n'est pas modalisée par un sujet ni même actualisée.
      Dans ce contexte, c'est la poésie qui a vocation heuristique
      de contester l'antinomie entre fiction et réel (donc entre
      nécessité et réalité). La métaphore
      possède alors la vertu d'abolir la division sémiotique
      entre les catégories logiques du "physiquement possible"
      et du "physiquement impossible". D'où cette
      conception de la métaphore chez Reverdy - dont Breton
      fera le socle de l'image surréaliste - comme ce qui rapproche
      deux réalités les plus éloignées
      possibles. Au vu des exemples fournis par Reverdy et par Breton,
      l'efficacité de la métaphore dépend de sa
      faculté à réunir heuristiquement les catégories
      anciennement logiques du physiquement possible et du physiquement
      impossible. L'image que Char donne de l'imagination peut être
      assimilée également à un programme (usage
      d'un infinitif à modalité impérative) d'apprentissage
      heuristique du virtuel. Sa division des mondes possibles prend
      tout d'abord la forme d'un partage sémiotique qu'il s'agira
      d'abolir heuristiquement : « Reconnaître deux
      sortes de possible : le possible diurne et le possible prohibé.
      Rendre, s'il se peut, le premier l'égal du second ; les
      mettre sur la voie royale du fascinant impossible, degré
      le plus haut du compréhensible ». C'est en suivant
      le mouvement infinitif d'un procès heuristique que Char
      peut donc définir l'imagination : « L'imagination
      consiste à expulser de la réalité plusieurs
      personnes incomplètes pour, mettant à contribution
      les puissances magiques et subversives du désir, obtenir
      leur retour sous la forme d'une présence entièrement
      satisfaisante. C'est alors l'inextinguible réel incréé.
      »
 Le schème qui permet la réintégration de
      l'imaginaire dans le réel n'est autre que celui des mondes
      possibles, pour peu que l'on traduise aujourd'hui, en poétique,
      par heuristique ce que Leibniz croyait pouvoir obtenir de l'algorithme.
   Corpus de travail avec les étudiants LEIBNIZ, Gottfried Wilhelm, De Arte Combinatoria, in Die philosophischen
      Schriften 4, Georg Olms Verlag, Hildesheim, New York, 1978, pp.
      15-102.
 LEIBNIZ Gottfried Wilhelm, Discours touchant la méthode
      de la certitude et l'art d'inventer, in Die philosophischen Schriften
      7, Georg Olms Verlag, Hildesheim/ New York, 1978, pp. 174-183.
 LEIBNIZ Gottfried Wilhelm, Nouveaux essais sur l'entendement
      humain, GF/Flammarion, 1990.
 LEIBNIZ, Gottfried Wilhelm, Opuscule sur l'origine radicale des
      choses, trad. Martine Etrillard & Pierre-Yves Bourdel, Paris,
      Hatier, 1989.
 LEIBNIZ Gottfried Wilhelm, Essais de Théodicée
      sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme et
      l'origine du mal, éd. Jacques Brunschwig, GF/Flammarion,
      1969. VOLTAIRE, Candide ou l'optimiste, in Romans et contes,
      Folio/Gallimard, 1972, pp. 135-234.
 VOLTAIRE, Préface au poème sur le désastre
      de Lisbonne, in oeuvres complètes, tome ix, Paris, Garnier-Frères,
      libraires-éditeurs, 1877, pp. 465-469.
 VOLTAIRE, Poème sur le désastre de Lisbonne, ou
      examen de cet axiome : Tout est bien in oeuvres complètes,
      tome ix, Paris, Garnier-Frères, libraires-éditeurs,
      1877, pp.470-480.
 VOLTAIRE, De l'horrible danger de la lecture, Ambialet, P. Laleure,
      1973.
 + Divers manuels scolaires. BibliographieBREITINGER Johann Jakob, Critische Dichtkunst (Traité
      critique de l'art poétique) préfacé par
      Johann Jakob Bodmer, Zürich, C. Orell, 1740.
 LETER Michel, Pour enterrer l'année Voltaire : Le mythe
      littéraire de la critique voltairienne de Leibniz dans
      Candide ou l'optimisme et le Poème sur le désastre
      de Lisbonne, Essais critiques sur la littérature 1983-1994,
      volume xxix, Paris, L'invendu, 1994.
 LETER Michel, Les clichés littéraires en classe
      de français : Rabelais et Guillaume d'Ockham, Molière
      et Ménage, Voltaire et Leibniz, Essais critiques sur la
      littérature 1983-1994, volume xi, Paris, L'invendu, 1995.
 LETER Michel, Leibniz, homme de lettres français, Essais
      critiques sur la littérature 1983-1994, volume xv, Paris,
      L'invendu, 1995.
 POPE Alexander, An Essay on Man, éd. Maynard Mack, London,
      New York, Routledge, 1993.
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      sommaire   
 Cours 14 : Les De l'Allemagne de Madame
      de Staël et de Heine et l'écho rencontré par
      les controverses esthétiques allemandes dans la littérature
      française S'il est aujourd'hui admis que l'on ne peut aborder Coleridge
      sans avoir lu Kant et Schelling, les frères Schlegel et
      Jean-Paul (Richter), on ne s'accorde pas encore à envisager
      la littérature française du premier dix-neuvième
      siècle sous le prisme de la révolution esthétique
      du temps. Notre horizon est borné en la matière
      par Brion et Béguin qui - aussi remarquables que demeurent
      leurs travaux - s'appuyaient sur une lecture sommaire des traités
      d'esthétique du tournant du siècle. Dans l'Allemagne
      romantique, Brion s'en tient à cette remarque sur «
      la critique kantienne qui, en délimitant les frontières
      du rationnel, libère et ooeuvre celle de l'irrationnel.
      "Etre romantique dit Novalis, c'est donner au quotidien
      un sens élevé, au connu la dignité de l'inconnu,
      au fini l'éclat de l'infini" ». Le mot est
      élégant, mais l'histoire des idées supporte
      rarement les concetti.Cette réserve tient sans doute au fait que les écrivains
      français à partir du règne de Charles X
      se gardent eux-même d'évoquer les sources allemandes.
      Mais cette inspiration tacite ne peut passer sous silence les
      efforts de ces médiateurs qui escortent Mme de Staël
      : Charles Villers, Victor Cousin, Emile Deschamps, et aussi Heine
      et August Wilhelm Schlegel, que l'on nous autorisera sur ce point
      à naturaliser.
 A partir des jalons posés par Madame de Staël, nous
      étudierons :
 - L'impact sur la littérature française des controverses
      suscitées par l'esthétique kantienne, de sa défense
      (Bernhardi et Goethe) à sa critique (Herder, Maimon et
      A. W. Schlegel).
 - Les palimpsestes d'Heine sur Staël (son De l'Allemagne
      et son De la France) et l'influence du poète-essayiste
      sur Gautier, Nerval et Baudelaire.
 Corpus de travail avec les étudiantsHEINE Henri, De l'Allemagne, Les presses d'aujourd'hui, 1979.
 HEINE Henri, De la France, Tel/Gallimard, 1994.
 STAËL-HOLSTEIN Anne-Louis-Germaine Necker, Baronne de, De
      l'Allemagne, 2vol., GF/Flammarion, 1968.
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      à Paris : La réception de Kant en France (1788-1804),
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      1801-1802, repr. Hildesheim, 1973.
 COUSIN Victor, Cours de philosophie professé à
      la Faculté des lettres pendant l'année 1818 par
      Monsieur Victor Cousin sur le fondement des idées absolues
      du vrai, du beau et du bien, Paris, Hachette, 1836.
 COUSIN Victor, Du vrai, du beau et du bien, 2e édition
      augmentée d'un appendice sur l'art français, Paris,
      Didier, 1854.
 COUSIN Victor, De l'instruction publique en Allemagne, en Prusse
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 DESCHAMPS Émile, oeuvres complètes, reproduction
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      Hébreux (Vom Geist der ebraïschen Poesie), trad.
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      Metz chez Collignon, Imprimeur-libraire, An X, 1802.
 VILLERS Charles de, Rapport fait à la classe d'histoire
      et de littérature ancienne de l'Institut de France sur
      l'état actuel de la littérature en Allemagne [sans
      lieu, ni date].
 VILLERS Charles de, Introduction au De l'Allemagne de Madame
      de Staël, Paris, 1823.
 VILLERS Charles de, Kant jugé par l'Institut et observation
      sur ce jugement, par un disciple de Kant, Paris, Heinrichs, an
      x (1802).
 VILLERS Charles de, Philosophie de Kant, ou principes fondamentaux
      de la philosophie transcendentale, Metz, Collignon, an ix (1801).
 VILLERS Charles de, Sur la manière essentiellement différente
      dont les poètes français et les Allemands traitent
      l'amour (1806) in EGGLI Edmond, L'érotique comparée
      de Charles de Villers, Paris, 1927.
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 Cours 15 : Louis Lambert et la philosophie
      balzacienne Louis Lambert est sans doute le roman que Balzac a le plus
      remanié. Sa place est unique dans l'ensemble des études
      philosophiques où Balzac a bien dû se résoudre
      à le ranger. Sans doute est-ce que le signal romanesque,
      moins qu'ailleurs encore, fonctionne d'autant que cette fiction
      philosophique est plus heuristique que réaliste.La question est de savoir pourquoi le roman après avoir
      trouvé sa reconnaissance philosophique avec Diderot -
      suivant l'exemple anglais - acquiert une dimension telle qu'il
      parvient à absorber la carrière philosophique que
      Balzac aurait pu embrasser (au lieu de se résoudre à
      inscrire en abyme son Traité de la volonté dans
      Louis Lambert).
 Pour Félix Davin, (dans sa préface de 1834 ) Le
      chef-d'oeuvre inconnu, c'était "l'art tuant l'oeuvre"
      et Louis Lambert, c'est "la pensée tuant le penseur".
      Ce mysticisme accrédite l'idée que Balzac est inspiré
      par le mouvement illuministe. Or non seulement l'oeuvre de Balzac,
      par sa nature fictive, est irréductible à telle
      ou telle doctrine philosophique mais encore deux objections,
      sémantique et historique, devraient nous dissuader d'emprunter
      ce raccourci :
 - l'ambivalence du terme illuminisme (qui veut dire tout et son
      contraire rationnel, en vertu duquel il peut le ranger dans le
      champ lexical des lumières).
 - la prééminence de l'éclectisme de Victor
      Cousin au moment où Balzac achevait ses études
      de droit (1818, l'année du cours de Victor Cousin sur
      le "beau , le bien, le vrai", vraisemblablement suivi
      par Balzac, est aussi l'année où Balzac écrit
      son premier essai philosophique). Et ceci indépendamment
      des critiques ultérieures adressées par le Balzac
      de la "maturité" à l'égard de
      l'éclectisme, devenu philosophie officielle de la bougeoisie
      sous la monarchie de juillet.
 - La relation privilégiée que Balzac entretient,
      par Louis Lambert, avec l'Allemagne. On se souviendra que c'est
      madamae de Staël qui envoit Louis Lambert au collège
      de Vendôme, où Balzac eut pour camarade le baron
      Barchou de Penhoën, premier traducteur de Fichte en langue
      française, qui suivra la voie ouverte par Villers, Staël
      et Cousin en publiant (chez Charpentier, éditeur du de
      la seconde version de Louis Lambert) une remarquable Histoire
      de la philosophie allemande depuis Leibnitz jusqu'à Hegel
      (1836).
 Philosophiquement, Balzac est anti-généalogique
      avant la lettre. Dans Louis Lambert et La peau de chagrin, il
      oppose le pouvoir et le vouloir au savoir, sans n'entretenir
      - comme plus tard Nietszche ou Foucault - l'illusion d'une alliance
      entre les deux, même s'il doit confesser avec Louis Lambert
      que le savoir conduit, lui aussi, à la mort.
 Corpus de travail avec les étudiants BALZAC Honoré de, Louis Lambert, Folio/Gallimard, 1980.
 BALZAC Honoré de, Essais philosophiques (1818-1823) in
      oeuvres diverses, Gallimard, 1990.
 BALZAC Honoré de, La comédie humaine, oeuvres philosophiques,
      études analytiques, éd. Pierre-Georges Castex,
      1980.
 BALZAC Honoré de, Sténie ou les erreurs philosophiques,
      in La comédie humaine, études philosophiques, Pléiade
      t. x, Gallimard, 1979.
 BALZAC Honoré de, Les oeuvres de l'abbé Savaroti,
      in Op. cit.
 BALZAC Honoré de, Clotilde de Lusignan, in Op. cit.
 BALZAC Honoré de, La peau de chagrin, in Op. cit.
 BibliographieBALZAC Honoré de, Hisoire intellectuelle de Louis Lambert,
      fragment extrait des romans et contes philosophiques, Ch. Gosselin,
      Paris, 1833.
 BALZAC Honoré de, Louis Lambert, suivi de Séraphîta,
      Nouvelles éditions revues et corrigées, Charpentier,
      Paris, 1842.
 BALZAC Honoré de, notice biographique sur Louis Lambert,
      (sans lieu ni date).
 BARCHOU DE PENHOËN Auguste-Théodore-Hilaire, Histoire
      de la philosophie allemande depuis Leibnitz jusqu'à Hegel,
      2 vol., Charpentier, 1836.
 COUSIN Victor, Cours de philosophie professé à
      la Faculté des lettres pendant l'année 1818 par
      Monsieur Victor Cousin sur le fondement des idées absolues
      du vrai, du beau et du bien, Paris, Hachette, 1836.
 EVANS Henri, Louis Lambert et la philosophie de Balzac, Corti,
      Paris, 1951.
 KIEFFER Henri, Balzac et l'Allemagne, Thèse de doctorat,
      Université de Bretagne, 2 vol., 1959.
 NYKROG Per, La pensée de Balzac dans "La comédie
      humaine", esquisse de quelques concepts clés, Paris,
      Klincksieck, 1965.
 
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 Cours 16 : Esthétique, poétique
      et modernité chez Balzac La réception critique moderne nous a légué
      deux Balzac : le premier, stigmatisé par Robbe-Grillet
      comme ce père mythique que le nouveau roman aurait laissé
      pour mort, et le second, salué par Butor comme «
      volontairement et systématiquement novateur ». S'il
      est vrai que la postérité a retenu Baudelaire pour
      sa définition de la modernité, elle continue de
      tenir à l'écart son maître Balzac, qui pourtant
      forgea le néologisme dès 1823. Pour prendre la mesure de la modernité de Balzac, il s'agira
      donc aujourd'hui :
 1) Esthétiquement, de situer les fictions heuristiques
      de Balzac par rapport à l'esthétique philosophique
      allemande et ainsi de vérifier que, chez Balzac (à
      l'instar d'un Kant, d'un Herder, d'un Schelling, d'un Solger
      ou d'un Schleiermacher), l'esthétique ne s'oppose pas
      à la modernité mais la constitue.
 2) Poétiquement, de savoir si la pratique poétique,
      inaugurée par le jeune Balzac en 1819-1823, se poursuit
      chez le Balzac de la "maturité" (de la modernité),
      envers et contre l'informel romanesque.
 3) Philosophiquement, de comprendre pourquoi et comment Balzac,
      plutôt que de s'en tenir à l'essai philosophique,
      choisit d'inscrire en abyme son Traité de la volonté
      dans Louis Lambert.
 
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 Cours 17 : Discours et valeurs dans les
      séries Matières de rêves, Génie du
      lieu, Illustrations, Envois et Avant-goût de Michel Butor 1. Une critique géopoétique du géopolitique. Chez Butor le discours est ce qui transforme, et ceci indépendamment
      de toute "typologie des textes" (littéraire,
      critique, politique...) puisque «Toute invention est une
      critique» (Cf. La Critique et l'invention in Répertoire
      III).Le sérialisme de Michel Butor n'est pas seulement une
      guématrie du chiffre 5, il se déploie géopoétiquement
      comme une critique du centre (dont Paris est l'emblème)
      et plus généralement de la lecture géopolitique
      du monde. Si d'après Yves Lacoste, directeur de la revue
      Hérodote, « La géographie sert avant tout
      à faire la guerre », pour Butor (à l'image
      du "monde" de Mallarmé, fait "pour aboutir
      à un beau livre") la géographie sert avant
      tout à transformer la littérature - en la multipliant
      par 5, le cinq de Rabelais mais aussi celui des continents.
 A entendre Michel Butor, c'est géopoétiquement
      qu'apparaît motivée sa première série,
      Le Génie du lieu : «le premier [Génie du
      lieu] tourne autour de la Méditerranée; le second
      intitulé Où avec la fantaisie orthographique de
      barrer l'accent grave, pour que ce soit aussi bien le lieu que
      l'altérité, tourne autour de l'hémisphère
      nord; le troisième, Boomerang, imprimé en trois
      couleurs, commence d'ajouter l'hémisphère sud,
      etc.».
 Le discours de Butor est géographiquement situé.
      A l'image des noms que l'homme a donné à ses différents
      domiciles ("Aux Antipodes", "A la frontière",
      "A l'écart"), la critique sérielle, chez
      l'auteur, est à la fois une "politique du rythme"
      et une "politique du sujet" (pour reprendre les notions
      illustrées par le dernier livre d'Henri Meschonnic) dans
      la mesure où elle se développe contre les signalisations
      génériques (poème, narration, etc.) que
      l'institution littéraire entend imposer à l'énonciation.
 Dans Où (Le Génie du lieu 2) Michel Butor, par
      métamorphoses successives - qui d'ordinaire restent confinées
      au manuscrit - nous adresse une première invitation à
      transformer géopoétiquement les énoncés
      touristiques ou géopolitiques, sous forme d'auto-corrections:«Et
      plus loin ces crochets blanchissants en triangle - je viens de
      raturer toute ligne (p.79); «- de supprimer tout un verset,
      je m'y remets»(p.80); «j'aurais pu employer le mot
      "rempart"» (p.11); « j'aurais pu employer
      "jalousies, panneaux" (p.16); «les mots "crâne,
      incarnat, carapace"» (p.19); « j'aurais pu employer
      "crayeux, blafards, tours, créneaux"»
      etc.
 Le projet d'une topologie géopoétique transnationale
      résistant aux cartographies géopolitiques est admirablement
      suggéré par Michel Butor dans ses Matières
      de rêves : «La seule solution c'est d'être
      Homère, c'est-à-dire l'aveugle voyant, donc d'être
      né dans plusieurs villes et d'errer connaisseur, guide
      sans patrie, spécialiste des envers et des environs, chantant
      au passage dans un demi-sommeil Illiades et Odyssées méconnaissables-reconnaissables
      (Troisième dessous, p.81)».
   2. A l'infinitif : un dépassement de la division
      narratologique entre discours et récit. Dépassant l'opposition temporelle classique des marques
      de l'énoncé narratif - passé simple et troisième
      personne pour le récit, présent ou imparfait (présent
      du passé) et première personne pour le discours
      - Butor donne ses lettres de noblesse à ce mode impersonnel,
      l'infinitif, déjà privilégié par
      Duchamp dans A l'infinitif, sa Boîte blanche et sa Boîte
      verte.C'est en effet "à l'infinitif" que Butor élabore
      les transformations géopoétiques qui font la richesse
      des Matière de rêves : «Transformer toutes
      les anciennes casernes en musée d'histoire naturelle»,
      (Troisième dessous, p.55), «Rédiger tous
      les documents officiels en gascon et angoumoisin» (p.81),
      «Mettre la cathédrale d'Ajaccio à la place
      de Notre-Dame de Paris et le château de Niort à
      celle du Louvre» (p.99), «Transporter le département
      des Côtes-du-Nord dans l'océan Atlantique à
      25 kilomètres à l'ouest de l'île de Sein,
      tout en maintenant le régime des fleuves par les machineries
      appropriées» (p.100), «Installer le gouvernement
      de la France à Guéret, livrer les anciens ministères
      aux universités spontanées» (p.105), «Recouvrir
      les villes de Nîmes et du Mans d'un immense dôme
      pour en faire une seule serre tropicale, observer la transformation
      des costumes et coutumes» (p.126), «Recopier sur
      les voies de chemin de fer désaffectées de toute
      la Normandie et Ile-de-France les tragédies de Racine,
      un vers par traverse, et les supprimer des bibliothèques
      et librairies pour qu'on ne puisse plus lire qu'en arpentant
      les anciens parcours» (p.119).
   3. Une valeur trouvée : éthique ou esthétique
      ? C'est au fil des métamorphoses sérielles de
      ce discours que la question de la valeur se "trouve"
      (au sens de "l'objet trouvé" des surréalistes)
      posée implicitement (ce qui la différencie de l'énonciation
      philosophique balzacienne, marquée par l'explicite) et
      qu'elle l'est dans toute son ambivalence. Dans ses Präludien, le néo-kantien Windelband définit
      l'axiologie comme la branche de la philosophie pratique qui traite
      de la constitution des valeurs. Cette notion peut être
      entendue sur son versant éthique comme sur son versant
      esthétique, d'autant que Rickert (cette autre figure de
      l'école de Baden) va jusqu'à subsumer le concept
      d'axiologie sous celui de culture.
 Dans les séries de Michel Butor, la valeur est portée
      éthiquement, nous l'avons vu, par la critique des frontières
      géopolitiques. Mais peut-on - puisque la critique est
      aujourd'hui conviée à repenser la valeur littéraire
      - considérer cette dimension éthique de la valeur
      en ignorant sa dimension esthétique ?
 La formulation de cette question nous conduira vraisemblablement
      à redessiner d'autres frontières, réputées
      hermétiques, et particulièrement celle qui sépare
      l'esthétique de la poétique.
   Corpus de travail avec les étudiants Extraits de :BUTOR Michel, Le Génie du lieu, Grasset, 1958.
 BUTOR Michel, Où (Le Génie du lieu 2) Gallimard,
      1971.
 BUTOR Michel, Boomerang (Le Génie du lieu 3) Gallimard,
      1978.
 BUTOR Michel, Transit A, Transit B,Le Génie du lieu 4,
      Gallimard, 199
 BUTOR Michel, Le Génie du lieu 6, [entorse tolérée
      par Butor au sérialisme du 5, sur une proposition de Michel
      Leter] éditions Alessandro Vivas, Paris, 1991.
 BUTOR Michel, Illustrations, Gallimard, 1964.
 BUTOR Michel IllustrationsII, Gallimard, 1969.
 BUTOR Michel, Illustrations III, Gallimard, 1973.
 BUTOR Michel, Illustrations IV, Gallimard, 1976.
 BUTOR Michel, Matière de rêves, Gallimard, 1975.
 BUTOR Michel, Second sous-sol (Matière de rêves
      2), Gallimard, 1976.
 BUTOR Michel, Troisième dessous (Matière de rêves
      3), Gallimard, 1977.
 BUTOR Michel, Quadruple fond (Matière de rêves 4)
      Gallimard, 1981.
 BUTOR Michel, Mille et un plis (Matière de rêves
      5), Gallimard, 1985.
 BUTOR Michel, Avant-goût, Ubacs, Rennes, 1984.
 BUTOR Michel, Avant-goût 2, Ubacs, Rennes, 1987.
 BUTOR Michel, Envois, Gallimard, 1980.
 BUTOR Michel, Exprès (Envois 2), Gallimard, 1983.
 
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 Cours 18 : Problèmes de l'énonciation
      philosophique dans le discours balzacien : Sténie, L'Elixir
      de longue vie, La Peau de chagrin, Melmoth réconcilié
      et Louis Lambert   1. Hétérogénéité du
      discours balzacien. Le cours proposé ne vise pas à instrumentaliser
      le corpus balzacien au profit de la démonstration que
      la philosophie serait littéraire ou la littérature
      philosophique (Literature as Philosophy, Philosophy as Literature,
      titre de la neuvième rencontre annuelle de l'International
      Association for Philosophy and Literature ). Il ne s'agit pas non plus d'aller chercher chez Balzac les marques
      d'une "philosophie sans philosophe" (formule de Pierre
      Macherey in A quoi pense la littérature ?)
 Car, de même qu'à la faveur du cours de cette année
      il s'agissait de montrer que le Balzac poète, des années
      1819-1823, survit au système énonciatif dit narratif
      de La Comédie humaine, le Balzac philosophe du Traité
      de la volonté, l'étudiant suivant les cours de
      Victor Cousin à la Sorbonne, reste philosophe avec, envers
      et contre le roman.
 Cette année, en nous penchant sur "l'esthétique,
      la poétique et la modernité chez Balzac",
      nous avons mis en lumière l'extrême hétérogénéité
      du discours balzacien. En regard de cette hétérogénéité
      les notions scolaires de registre et de typologie textuelle tombent
      (notre thèse étant que Balzac n'a renoncé
      qu'institutionnellement à être poète ou philosophe,
      en donnant les gages d'une signalisation romanesque).
 Les "romans" de Balzac sont hantés par une énonciation
      polyphonique, que nous avons déjà tenté
      de mettre en lumière en analysant les modes de l'inscription
      en abyme (dans les Illusions perdues) des poèmes de jeunesse
      d'Honoré de Balzac (notamment la remotivation balzacienne
      de la stance dans le roman (Cf. le poème A elle) par rapport
      à sa motivation dans le poème dramatique classique,
      où elle a pour fonction de couper l'isométrie).
 Si Louis Lambert est le roman que Balzac a le plus remanié,
      c'est sans doute que le signal romanesque fonctionne d'autant
      moins que cette fiction philosophique est plus heuristique que
      réaliste. Le choix, dans notre corpus, d'un texte tel
      que Sténie ou les erreurs philosophiques, qui ne figure
      pas dans La Comédie humaine, ajoutera la dimension épistolaire
      à cette problématique de l'énonciation philosophique.
   2. Démarche adoptée. L'unité de cette recherche est donnée par l'énonciation
      qui, justement parce qu'elle est littéraire, occupe une
      position critique au sein même de la philosophie dans sa
      résistance discursive à toute épochè
      (le récit, dans son chronotope, et le poème, dans
      son rythme, sont mis en posture critique dans la philosophie
      par l'irréductibilité des embrayeurs et des déictiques
      de l'énonciation, en tant que "mise en fonctionnement
      de la langue par un acte individuel d'utilisation", selon
      la définition de Benveniste).La philosophie, en haine du style, se mire dans l'utopie monologique
      d'une langue transcendantale (au sens noématique de Husserl
      et non à celui, schématique, de Kant et de Schelling
      qui concoit schématiquement la mythologie moderne que
      l'oeuvre de Balzac illustrera - Nous reviendrons sur cet aspect
      décisif, une fois traduit le passage de la Philosophie
      de l'art de Schelling qui s'y rapporte). L'énonciation
      philosophique dans le roman participe de la ruine d'une langue
      purement philosophique.
 Il nous faudra repérer, au sein du corpus choisi, les
      marques de l'énonciation philosophique (ainsi que de ses
      tenants et aboutissants pragmatiques). Forts de ces analyses,
      nous nous demanderons quelles relations ces énoncés
      entretiennent avec ce que Dominique Maingueneau et Frédéric
      Cosutta (1995) appellent les "discours constituants"
      (c'est à dire des discours dont "la prétention
      [...] est de fonder et de n'être pas fondé".
   3. Observations sur le corpus choisi. On aurait pu s'étonner de ne pas trouver Séraphîta
      dans le corpus des textes proposés mais c'est justement
      cette vision trop strictement swedenborgienne et mesmériste
      de Balzac qu'une étude de l'énonciation permet
      de retoucher.
 Pour Félix Davin, (dans sa préface de 1834 ) Le
      chef-d'oeuvre inconnu, c'était "l'art tuant l'oeuvre"
      et Louis Lambert, c'est "la pensée tuant le penseur".
      Ce mysticisme accrédite l'idée que Balzac est inspiré
      par le mouvement illuministe. Or non seulement l'oeuvre de Balzac,
      par sa nature fictive, est irréductible à telle
      ou telle doctrine philosophique mais encore deux objections,
      sémantique et historique, devraient nous dissuader d'emprunter
      ce raccourci :
 - l'ambivalence du terme illuminisme (qui veut dire tout et son
      contraire rationnel, en vertu duquel il peut le ranger dans le
      champ lexical des lumières).
 - la prééminence de l'éclectisme de Victor
      Cousin au moment où Balzac achevait ses études
      de droit (1818, l'année du cours de Victor Cousin sur
      le "beau , le bien, le vrai", vraisemblablement suivi
      par Balzac, est aussi l'année où Balzac écrit
      son premier essai philosophique). Et ceci indépendamment
      des critiques ultérieures adressées par le Balzac
      de la "maturité" à l'égard de
      l'éclectisme, devenu philosophie officielle de la bourgeoisie
      sous la monarchie de juillet.
 - Dans Louis Lambert, les déictiques, voire même
      la distribution actantielle des personnages (réelle autant
      que fictive) sont autant de marques de la relation tacite que
      Balzac entretient avec l'Allemagne philosophique. On se souvient
      que c'est Madame de Staël qui envoie Louis Lambert au collège
      de Vendôme, où Balzac eut pour camarade le baron
      Barchou de Penhoën (premier traducteur de Fichte en langue
      française) qui suivra la voie ouverte par Villers, Staël
      et Cousin en publiant (chez Charpentier, éditeur de la
      seconde version de Louis Lambert) une remarquable Histoire de
      la philosophie allemande depuis Leibnitz jusqu'à Hegel
      (1836).
 Philosophiquement, Balzac est anti-généalogique
      avant la lettre. Dans Louis Lambert et La Peau de chagrin, il
      oppose le pouvoir et le vouloir au savoir, sans entretenir -
      comme plus tard Nietzsche ou Foucault - l'illusion d'une alliance
      entre les deux, même s'il doit confesser avec Louis Lambert
      que le savoir conduit, lui aussi, à la mort.
   Corpus de travail avec les étudiants BALZAC Honoré de, Louis Lambert, Folio/Gallimard, 1980.BALZAC Honoré de, La Peau de chagrin, Folio/Gallimard,
      1974.
 BALZAC Honoré de, L'élixir de longue vie, in La
      comédie humaine, études philosophiques, Pléiade
      t. xi, Gallimard, 1980.
 BALZAC Honoré de, Melmoth réconcilié, in
      La comédie humaine, études philosophiques, Pléiade
      t. x, Gallimard, 1979.
 BALZAC Honoré de, Sténie ou les erreurs philosophiques,
      in La comédie humaine, études philosophiques, in
      oeuvres diverses, Gallimard, 1990.
   Bibliographie BALZAC Honoré de, Essais philosophiques (1818-1823)
      in oeuvres diverses, Gallimard, 1990.BALZAC Honoré de, Histoire intellectuelle de Louis Lambert,
      fragment extrait des romans et contes philosophiques, Ch. Gosselin,
      Paris, 1833.
 BALZAC Honoré de, Louis Lambert, suivi de Séraphîta,
      Nouvelles éditions revues et corrigées, Charpentier,
      Paris, 1842.
 BALZAC Honoré de, notice biographique sur Louis Lambert,
      (sans lieu ni date).
 BARCHOU DE PENHOËN Auguste-Théodore-Hilaire, Histoire
      de la philosophie allemande depuis Leibnitz jusqu'à Hegel,
      2 vol., Charpentier, 1836.
 COSSUTTA Frédéric, Dominique MAINGUENEAU, L'analyse
      des discours constituants, in Langages n°117, mars 1995,
      pp.112-125.
 COSSUTTA Frédéric, Eléments pour la lecture
      des textes philosophiques, Paris, Bordas, 1989.
 COUSIN Victor, Cours de philosophie professé à
      la Faculté des lettres pendant l'année 1818 par
      Monsieur Victor Cousin sur le fondement des idées absolues
      du vrai, du beau et du bien, Paris, Hachette, 1836.
 EVANS Henri, Louis Lambert et la philosophie de Balzac, Corti,
      Paris, 1951.
 KIEFFER Henri, Balzac et l'Allemagne, Thèse de doctorat,
      Université de Bretagne, 2 vol., 1959.
 MACHEREY Pierre, A quoi pense la littérature ?, PUF, Paris,
      1990.
 MARSHALL Donald G (éditeur) Literature as Philosophy,
      Philosophy as Literature, actes des neuvième rencontres
      annuelles de l'International Association for Philosophy and Literature,
      University of Iowa Press, Iowa City, 1987.
 NYKROG Per, La pensée de Balzac dans "La comédie
      humaine", esquisse de quelques concepts clés, Paris,
      Klincksieck, 1965.
 SCHELLING Friedrich Wilhelm Joseph von, Proposition 22 de la
      Philosophie de l'art , traduite par Michel Leter, précédée
      de Du schématisme en art ou de Schelling à Balzac,
      par Michel Leter, L'invendu, octobre 1995.
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