Michel Leter

Séminaires dirigés

au Collège International de Philosophie

(1990-1995)

 

 

1. Séminaire 1990-1991 :

Théorie de l'heuristique littéraire

a) présentation

b) programme des séances

 

Prolégomènes

Si selon Gadamer l'ensemble de l'expérience humaine entre dans le champ de l'herméneutique, faut-il encore en déduire que la critique littéraire se résume à cette dernière ? Il n'est pas question de mettre en cause le tournant négocié par Schleiermacher qui a su émanciper "l'herméneutique générale" de l'herméneutique "spéciale" appelée par l'interprétation des livres saints. Mais de ce moment fondateur à la position hégémonique que l'herméneutique occupe aujourd'hui dans notre relation à la parole, il y a une césure qui ne nous semble pas répondre au climat de l'Aufklärung . Ce hiatus nous convie à remettre en lumière une dimension oubliée de la pensée de Baumgarten, qui est à la fois l'initiateur de l'esthétique philosophique et l'inventeur du terme heuristique. A l'incipit du chapitre premier de son Aesthetica qu'il intitule justement "Heuristique" Baumgarten écrit : "l'esthetique (ou théorie des arts libéraux, gnoséologie inférieure, art de la beauté du penser, art de l'analogon de la raison) est la science de la connaissance sensible"(traduction Jean-Yves Pranchère). C'est l'impératif heuristique qui pousse Baumgarten à poursuivre ainsi "l'esthétique artificielle qui complète l'esthétique naturelle aura notamment pour utilité : 1) d'apprêter un matériau adéquat à destination des sciences dont le mode de connaissance est principalement intellectuel; 2) de mettre les connaissances scientifiques à la portée de tout un chacun; 3) d'étendre le progrès de la connaissance, y compris au-delà des limites de ce que nous pouvons connaître distinctivement". Kant retiendra la leçon puisque l'adjectif heuristisch apparaît à plusieurs reprises dans La Critique de la raison pure. Chez Kant, les "concepts de la raison" (Vernunftbegriffe) sont pris non pas comme fondements d'une herméneutique empirique mais comme "fictions heuristiques" (heuristische fiktionen) en relation avec les " principes régulateurs de l'usage systématique de l'entendement dans le champ de l'expérience".

La critique littéraire n'a voulu retenir de Schleiermacher que son herméneutique. Mais là encore un des aspects méconnus de la pensée de Schleiermacher doit être exhumé, c'est sa Dialektik à laquelle Werner Hartkopf consacre un passage de son utile Dialektik, Heuristik, Logik. Celle-ci comme le souligne Hartkopf fonde l'heuristique et ouvre le passage à Bernard Bolzano en voyant dans "l'Art de la découverte" (die Kunst des Findens) [autrement dit l'heuristique] un principe intrinsèque de la science devant lui-même acquérir le statut de science. Et Hartkopf de citer ce passage de la Dialektik : "Die Kunst des Findens [die euristik] will Wissenschaft werden und die Wissenschaft des Erfindennen Kunst und nur in die Identität beider ist höchste Vollkommenheit".


L'herméneutique, conçue sans dialectique et coupée de ses auxiliaires heuristiques, stérilise aujourd'hui le champ critique, pour avoir constitué un canon profane et poussé jusqu'à l'absurde l'assimilation de la lecture à l'écriture:
la laïcisation de l'exégèse sacré ne va pas sans contradiction. Les textes dont l'herméneutique est constitutive du sens (par exemple la Thora qui ne prend sens qu'à travers le Talmud ou la Kabbale) sont de nature différente que l'oeuvre d'un Proust, dernier convive du "nouveau testament" des herméneutes. Cet excès d'autonomie et cette visée totalitaire de l'herméneutique ont peut-être été autorisées par Schleiermacher, d'une part lorsqu'il limite l'herméneutique d'Ernesti en excluant l'art d'exposer l'interprétation (qui à ses yeux relève davantage de la rhétorique), d'autre part en l'étendant l'herméneutique à la compréhension de tout discours indépendamment de son encodage et de son statut.
L'assimilation de la lecture à l'écriture théorisée par Roland Barthes dans son Critique et vérité restera comme une des apories de la "nouvelle critique". Force est de constater que l'on en trouve également le ferment chez Schleiermacher lorsqu'il affirme que c'est "dans l'interprétation productrice et créatrice infinie que l'oeuvre s'enrichit et s'approche de son achèvement".

Le problème majeur auquel se trouve aujourd'hui confrontée la recherche littéraire est de savoir si la position dominante de l'herméneutique nuit à la découverte; si l'interprétation une fois systématisée devient antinomique de la création littéraire, qu'elle prétendait justement élucider à travers ses oeuvres vives. La critique littéraire ne doit-elle pas trouver une nouvelle téléologie dans la création littéraire ? La critique herméneutique ne serait-elle pas mieux située dans un processus, comme prélude à une démarche heuristique (et non le contraire) qui doit elle-même aboutir à la création ? Le débat sur la scientificité de la critique littéraire s'est trouvé faussé par ses postulats exclusivement herméneutiques. La rencontre était condamnée d'avance. Que dirait-on d'un physicien qui se bornerait à interpréter la physique du passé ? et qui plus est, comme nos universitaires de lettres, en se spécialisant par siècles !
Un autre problème surgit dès lors que l'on introduit la notion d'heuristique, c'est celui de son positionnement "littéraire" en regard des "heuristiques" relevant de l'intelligence artificielle et conçues comme des "stratégies de recherches intelligentes pour la résolution de problèmes par ordinateur" (cf. Judea Pearl).


Dans le Dictionary of Artificial Intelligence publié en 1987 avec la collaboration des meilleurs spécialistes de l'intelligence artificielle, l'article heuristics suit l'article hermeneutics. Alors que la notice consacrée à l'herméneutique est remarquablement documentée sur le débat philosophique auquel elle a donné lieu, celle qui est consacrée à l'heuristique se borne à évoquer les acceptions du terme en intelligence artificielle. Certes, la notion d'heuristique au pluriel est propre à la méthodologie de l'intelligence artificielle, mais rien ne nous empêche de penser que cette lacune témoigne d'une volonté de faire l'économie des origines esthético-philosophiques du concept d'heuristique.
Le problème de la fortune de la notion d'heuristique sans référence à ses fondements philosophiques et logiques rend urgente la réconciliation entre Naturwissenschaft et Geisteswissenschaft dont Jean Petitot nous a démontré la nécessité.

Plus qu'à un conflit des interprétations qui marqua les années 60 et 70, c'est bien à une crise de l'herméneutique à laquelle nous assistons aujourd'hui d'autant plus impuissants que les études littéraires en deviennent comme une branche. Tout se passe comme si la période d'évolution émancipatrice de l'herméneutique qui caractérisa l'essor de l'université allemande était suivie par une phase d'involution. On ne peut s'empêcher de songer à la scolastique finissante, voire à la souveraineté exégétique qui précéda le renouvellement herméneutique au dix-huitième siècle. Dans les deux cas, c'est un même dynamisme qui ayant acquis un statut canonique atrophie un bras de la connaissance.
Dans sa théorie de ce qui semblait être un élargissement de l'herméneutique de Schleiermacher, Dilthey en séparant le verstehen de l'erkennen a creusé le fossé entre les sciences de l'esprit et les sciences de la nature, provoquant ce que les poètes romantiques allemands - et notamment Goethe... le chimiste de la Farbentheorie - avaient tenté de conjurer. Paradoxalement en affirmant que l'herméneutique s'accommode mieux de l'interprétation des poèmes que de l'expérimentation physique et chimique, Dilthey ne sert pas la poésie, il la coupe un peu plus de ses racines épistémiques. Gadamer avec Wahrheit und method parachève "l'expansion" de l'herméneutique générale, tout en introduisant un relativisme qui, certes, permet de fonder une critique de la réception, mais invalide irrémédiablement tout dialogue avec les disciplines cognitives.

L'herméneutique littéraire (Szöndi, Jauss,...) n'a pas su ou pas voulu se démarquer des postulats philosophiques posés par Dilthey et Gadamer. Il convient aujourd'hui de retrouver les conditions de l'heuristique, ce bras capté de l'esthétique qui fonde tant la recherche en philosophie que la recherche dans les sciences dites pures. Cette archéologie ne pourra être conduite sans repenser le principe originel de la littérature gnoséologique : la poésie (dont l'anaphore permet l'anamnèse indispensable à toute connaissance).

 

 

I - LA NOTION D'HEURISTIQUE : REPÉRES HISTORIQUES

A la différence de l'herméneutique dont les origines sont parfaitement repérables, l'heuristique est à la fois plus vague dans ses fondements et plus ambivalente dans ses acceptions. Contrairement à l'herméneutique, l'heuristique ne s'est pas constituée à la faveur d'une laïcisation et du détournement d'un sens plus ou moins sacralisé, mais cette indétermination et cette polysémie du terme heuristique, lui confère des virtualités importantes. Comme en témoigne le colloque Methods of heuristics organisé en 1983 par l'université de Berne, les mathématiciens, les épistémologues, et les chercheurs en intelligence artificielle sont eux-mêmes à la recherche d'une définition. Ainsi que le déclare Rudolf Groner dans son introduction "... the final discussion revealed that there is no agreement on the definition of heuristics, not even whether such a definition is possible". Tout se passe comme si l'approche de la définition de l'heuristique était elle-même objet d'une heuristique.
En dehors de la tentative de René Leclercq (La Théorie de l'heuristique et ses applications, publié par l'auteur en 1972) l'heuristique n'a pas retenu l'attention des penseurs français. Lalande dans l'entrée qu'il lui consacre dans son Vocabulaire technique et critique de la philosophie limite son sens 1) à l'hypothèse de travail 2) à la "méthode pédagogique qui consiste à faire découvrir par l'élève ce qu'on veut lui enseigner". Et lorsqu'il traite enfin du rapport de l'heuristique aux sciences, c'est pour reléguer l'heuristique à une méthode de documentation ! ("partie de la science qui a pour objet les faits; spécialement en histoire la recherche des documents"). Il faut attendre l'édition 1989 de L'Encyclopedia universalis pour voir une encyclopédie française consacrer un article à la mesure de l'heuristique.


Nous distinguerons ce qui relève de l'heuristique par définition a posteriori de ce qui est présenté sous le vocable d'heuristique, ce qui nous autorisera à poser l'Esthétique de Baumgarten comme pivot de notre analyse.

 

A) l'heuristique a priori

Le mot heuristique vient du grec eurisko (je trouve). C'est en effet dans la Grèce antique que la question des méthodes de la découverte est posée notamment par Pythagore, Platon et Aristote. On peut considérer l'analysis et la synthesis grecque comme les premières heuristiques. En ce sens les Eléments d'Euclide sont un des monuments de l'heuristique grecque.
La seconde période de l'heuristique a priori se superpose à la recherche des algorithmes commencée par les mathématiciens arabes et qui atteindra son apogée combinatoire avec l'Ars magna de Raymond Lulle.
Descartes partage avec Lulle cette conviction que l'on peut systématiser les algorithmes et les appliquer à tous les problèmes. On peut considérer ses vingt-et-une regulae ad directionem ingeni comme autant de règles heuristiques.
Avec le concept d'ars inveniendi auquel Leibniz assimile la logique, l'utopie algorithmique est à son point culminant. Dépassant Lulle, Leibniz tentera de faire entrer dans son calculemus l'universalité des processus de découverte.

 

B) l'élaboration du concept d'heuristique

Bernard Bolzano consacre tout un chapitre de sa Wissenschaftslehre à l'heuristique qui devient ainsi un des piliers de la théorie de la science et un des instruments privilégiés de la formalisation mathématique de la logique.
Au cours de notre siècle l'heuristique trouvera des applications en psychologie cognitive, mais c'est avant tout sur l'héritage de John Dewey (cf. How we think, 1933) et plus encore sur celui de Georges Polya (How to solve it, 1945) que l'intelligence artificielle à la faveur d'un développement fulgurant ces trente dernières années va restituer une place de choix à l'heuristique.

Le Dictionnary of Artificial Intelligence de Stuart C. Shapiro en donne la définition suivante : "Heuristics are approximation techniques for solving AI [Artificial Intelligence] problems. AI deals primarly with problems for which no practical exact solution algorithms are known, such as finding the shortest proof of a given theorem or the least costly plan for robot action. Heuristics provide approximate methods for solving these problems with practical computational ressources but often at some cost in solution quality. Their usefulness is derived from the fact that the trade-offs among knowledge, computation time, and solution quality are generally favorable. In other words a small amount of approximal knowledge often buys a large improvement in solution quality, and/or computation times."
Plusieurs aspects donc des heuristiques en intelligence artificielle sont à prendre en considération dans notre recherche :
a) leur caractère d'approximation humaine et dénuée de formalisation dans la plupart des cas.
b) le rapport "qualité/prix" (trade-offs) établi entre le minimum de savoir requis au départ et le maximum de savoir acquis à l'arrivée - au prix d'un sacrifice au coup par coup de voies possibles, ce que synthétise bien le concept de Minimax procedure (le jeu d'échec étant souvent cité comme métaphore de l'heuristique en intelligence artificielle).
c) L'opposition du concept d'heuristique à celui d'algorithme bien que finalement, remarque Philippe Genthon dans son Dictionnaire de l'intelligence artificielle, "on trouve des algorithmes dans les méthodes heuristiques", tout en ajoutant aussitôt "simplement le choix de ces algorithmes vient davantage de considérations de bon sens que de constructions formelles".
Jusqu'à présent la critique littéraire et la sémiotique au cours de leurs "excursions" mathématiques se sont presque exclusivement appuyées sur des modèles algorithmiques (par exemples en poésie, les formes fixes). La critique littéraire gagnerait à se saisir des procédures d'évaluation heuristique dont le caractère d'homologie avec les processus de la création littéraire ouvrirait, entre autres, des perspectives prometteuses à la critique génétique.
En tout état de cause, il convient de ne pas se tenir à l'élaboration a priori de l'heuristique (d'Euclide à Leibniz) ni à ces développement a posteriori (de Bolzano aux théoriciens de l'intelligence artificielle), mais d'avoir constamment à l'esprit ses fondements jetés au cours de l'Aufklärung. D'après le Trésor de la langue française du xixe et du xxe siècle, le mot heuristique est employé pour la première fois - sous sa forme latine heuristica - dans le texte fondateur de l'esthétique philosophique l'Aesthetica de Baumgarten.Dans les prolégomènes de cet ouvrage Baumgarten définit l'heuristique comme "la science de la connaissance sensible". Les prémices heuristiques de l'esthétique sont jetés. Contrairement à ses devancières, ce n'est pas la beauté en soi qui est la fin de l'esthétique mais bien "la beauté de la connaissance sensible". Avec Baumgarten l'esthétique est donc fondée sur une heuristique et non pas sur une herméneutique. Il nous appartient de répondre à la question esthétique telle que Baumgarten la pose et non plus à partir de la taxinomie hégélienne.

 

 

II - PREMICES D'UNE HEURISTIQUE LITTERAIRE

 

A) situation de l'heuristique litteraire au sein de l'heuristique générale

L'heuristique littéraire doit se construire par rapport (et non contre) le fort marquage des heuristiques scientifiques. Son caractère est "naturellement" transdisciplinaire. Elle pose la question de la littérature comme indissociable de celui de la connaissance. Ce qui dans le domaine des sciences pures et des mathématiques répond à la question "Que peut-on savoir ?"( posée par Kant mais ausssi par Bolzano, qui tout en se démarquant haut et fort du kantisme s'interroge sur les mêmes fondements) devient en poésie "Comment peut-on créer ?", en quoi la poésie comme parole fondamentale ou parole des fondements est aussi une discipline fondatrice élaborant sa propre heuristique ?
En partant d'une réflexion analogue à celle d'Heidegger sur la poésie comme fondement (à travers son Approche d'Hölderlin) nous en arrivons à des termes différents voire contradictoires, ou du moins qui font apparaître la conception Heideggerienne de la poésie comme contradictoire avec son rejet de la Wissenschaft.
Bolzano aura beau tenter de nous dissuader de rapprocher des arts son "art de la découverte" - auquel il consacre le chapitre IV de sa Wissenschaftlehre en le définissant comme "un pur mécanisme obéissant à ses propres règles". On ne peut s'empêcher en référence au statut esthétique que Baumgarten lui a conféré et au fiktionen proposé par Kant d'y voir autant d'appels à la constitution d'une heuristique tant littéraire que picturale, qui n'a pu être entendue en raison de ce que, paraphrasant Merleau-Ponty, nous nous risquerons à dénommer les "aventures de l'herméneutique"...

 


B) exemple d'une recherche en heuristique littéraire : l'autonymie dans la poésie française

La narratologie qui a servi de creuset à la sémiotique littéraire, et à l'essentiel des études interprétatives est inopérante dans une perspective heuristique. Alors que le mouvement général tend à réduire la littérature au roman, notre corpus sera essentiellement poétique. Seule la poésie peut être identifiée au littéraire alors que - faut-il le rappeler ? - le roman n'est considéré comme un genre littéraire que depuis à peine 150 ans. Contrairement au roman le développement de la poésie est intimemement lié au développement des méthodes de connaissance (que nous appelons sciences) et ceci tient tant à ses racines mythiques (cf. La Scienza nuova de Vico) qu'à ses fondements historiques (la fonction mnémotechnique de la poésie).
Nous délimiterons tout d'abord un sous-ensemble cognitif dans la poésie française : l'autonymie. Chaque élément de ce sous-ensemble est un signe caractérisé par son emploi comme autonyme. Ce sous-ensemble des occurrences des signes autonymes dans le corpus de la poésie française fait lui-même partie intégrante de l'ensemble du métalangage qui régit les dictionnaires.
Pour paraphraser le mot de Valéry sur la réception poétique : certain se font du métalangage une idée si vague qu'ils prennent ce vague pour l'idée même du métalangage. Barthes est responsable pour une bonne part de ce que Claude Abastado appelait dans la livraison de Littérature consacrée au métalangage "la dérive généralisée de la notion de métalangage" qui entre en concurrence avec celle de "métadiscours ou métatexte". Il a fallu attendre 1978 et la parution de l'ouvrage de Josette Rey-Debove, qui fait désormais autorité sur la question, pour qu'un terme soit mis à cette dérive.
Nous limiterons le moment herméneutique de notre étude à la manifestation cardinale du métalangage en poésie, l'énoncé autonyme, et plus particulièrement le signe autonyme. L'adjectif autonyme est ainsi défini dans le Robert : "Qui se désigne lui-même comme signe dans le discours, en parlant d'un mot ou d'un énoncé. Dans "violette est un nom de fleur", violette est autonyme". Le mot vient de l'allemand autonym, né en 1934 sous la plume de Carnap. Il n'est pas indifférent que cette notion trouve son origine parmi les logiciens du cercle de Vienne.
Nous chercherons à savoir comment les heuristiques poétiques transforment les règles propres aux usages spécifiquement lexicographiques du métalangage. Observons tout d'abord que dans une perspective mathématique la composition du dictionnaire est formalisable par la relation d'ordre. André Warusfel le définit ainsi :" Soit X un ensemble ordonné par < que nous appellerons un alphabet.On appelle mot toute suite finie d'éléments de X,sans se préoccuper du sens éventuel de ce mot dans une langue naturelle. Par exemple si X est l'alphabet usuel, constitué par nos vingt-six lettres,

abbcda, encyclopédie

sont des mots.
L'ordre lexicographique se définit alors sur l'ensemble E des mots de la manière suivante. Si x = x1 x2... xp et y = y1 y2... yq sont des mots, on dira que:

x < y "

Soit cette épigramme de Jacques de Cailly :

SUR L'ETYMOLOGIE DU MOT ITALIEN ALFANA
qu'on soutenait venir du latin "equus"

Alfana vient d'equus sans doute,
Mais il faut l'avouer aussi
Qu'en venant de là jusqu'ici
Il a bien changé sur la route.

A travers cette épigramme construite sur l'usage autonymique des mots equus et alfana on voit que la poésie versifiée convertit la relation d'ordre qui régit le dictionnaire en relation d'équivalence. En effet doute et route qui dans le dictionnaire sont liées par la relation doute < route s'écrivent à la faveur de la rime doute = route. La fameuse définition donnée par Jakobson se vérifie encore. Soulignons aussi que dans le schéma de Jakobson la fonction poétique est reliée à la fonction métalinguistique, et que la langue n'est donc pas divisible entre une poésie centrée sur elle-même et un métalangage tourné vers les langues. Or, le raisonnement de Jakobson reste inachevé puisqu'il ne décrit que la relation d'implication de la poésie qui projette le principe d'équivalence de l'axe de la sélection sur l'axe de la combinaison. Pourquoi faudrait-il s'en tenir à une application de l'ensemble paradigmatique du lexique sur le poème sans concevoir une application réciproque de l'ensemble de la poésie sur le dictionnaire ? En effet nous pouvons dire que la poésie en retour projette l'axe paradigmatique sur l'axe syntagmatique. Puisqu'un mot n'a pas de sens mais n'a que des emplois, il n'est pas absurde de dire que l'actualisation poétique constituée par la rime ajoute à l'ensemble des sèmes de route "rime avec doute".


 

III - LE MOMENT HERMÉNEUTIQUE DE L'HEURISTIQUE LITTERAIRE

La théorie de l'heuristique ne bannit pas l'herméneutique, elle la replace dans un processus cognitif. L'herméneutique doit préparer l'heuristique et non plus l'instrumentaliser.

 

A) valeur heuristique de l'autonymie en poésie

1) La nominalisation

Le signe lorsqu'il sort de la nomen-clature pour être actualisé est le plus souvent désigné comme tel par un présentateur (mot, nom, verbe, etc.) qui tempère les équivoques inhérentes au signe autonyme. Ces vers d'Hugo nous en donnent l'illustration :

Le doute! mot funèbre et qu'en lettres de flammes
Je vois écrit partout, dans l'aube, dans l'éclair,

La suppression des présentateurs, tout en restant l'exception se rencontre dans l'entre-deux-guerres sous la plume de Ponge, Leiris et Queneau. Elle témoigne d'une prise de conscience des virtualités poétiques de l'autonymie dont il nous faudra sérier les aspects. Ainsi dans cet exemple de Ponge :

Pré est bref : fraîchement coupé, ou rasé, jamais très haut de fûtaie mais debout.

L'équivoque est à son comble. Est-ce le mot pré qui se trouve en jeu comme semblent l'indiquer sa nominalisation et l'épithète "bref", ou bien s'agit-il de ce que recouvre le pré comme le laissent entendre les attributs qui suivent ?
Pour parler d'un mot (autonymie), il faut le nominaliser, à l'instar de Mallarmé :
...] alléguant pour me calmer, que, certes pénultième est le terme de lexique qui signifie l'avant-dernière syllabe des vocables [...
La nominalisation, comme tous les traits syntaxiques de l'autonymie, a pour effet de lever l'ambiguïté. Ce phénomène de nominalisation apporte un éclairage nouveau au problème de je poétique. On se souvient du "je est un autre" de Rimbaud où le poète tire parti de la fonction nominale de je qui avec nous (collection je+tu) et contrairement aux autres pronoms personnels ne prend pas la fonction de représentation. Cette caractéristique le prédispose à l'autonymie.


2) Dédoublement de la référence

La tentation nominaliste demeure. Une certaine "nouvelle critique" n'a pas su ou pas voulu y résister. Nous nous garderons de séparer le "signifiant" du "signifié". Pour le linguiste, le signe forme un tout indivisible, et dans l'état actuel de nos connaissances, rien ne nous autorise à lui donner tort. Aussi nous ne verrons pas dans l'adoption de l'autonymie par les poètes du vingtième siècle une marque de la "clôture textuelle" comme on disait naguère, mais bien une volonté de renouveau heuristique du projet poétique.
Si Roman Jakobson prend la peine de tracer le diagramme des relations entre les différentes fonctions du langage, c'est bien qu'il ne conçoit pas la fonction poétique isolément. Rien ne nous permet d'affirmer que l'autonyme soit le lieu d'une prédominance du "signifiant" sur le "signifié". En outre Josette Rey-Debove dans son Métalangage nous met en garde contre toute assimilation de l'autonymie à l'auto-référence. Un signe ne saurait renvoyer à sa seule matérialité. "L'autonyme n'est pas innocent", renchérit-elle "Le signe autonyme déclenche un double processus de signification. Un signe connu[...] est entièrement signifié par l'autonyme [...] et un signe inconnu de quelqu'un l'est entièrement aussi, c'est à dire que l'autonyme signifie tout ce qui est connu du signe signifié". Ainsi l'équivoque que nous avions cru déceler dans le Pré de Ponge serait-elle résolue par la nature même de l'autonymie.

 

3) Autonymie et versification

Rey-Debove nous fait observer qu'un "mot comme syllabe (rime etc.) a dans le métalangage de la deuxième articulation, le même rôle que les noms de signes (signe, mot, adverbe) puisqu'il est présentateur et incluant d'autonyme [...] La syllabe ne saurait être découpée en unités plus petites ayant des noms autonymes; son nom représente l'unité autonyme minimale, puisque les noms de lettres (phonèmes) sont des mots métalinguistiques". Les contraintes de la rime et du syllabisme sur lesquelles repose le vers français ne permettent pas à proprement parler, de distinguer une autonymie "prosaïque" d'une autonymie "poétique". Disons qu'elles enrichissent considérablement la connotation autonymique.
En ce qui concerne la rime, et sans viser l'exhaustivité dans ce projet de séminaire, nous mentionnerons quatre cas de figure significatifs :

a) la rime de monosyllabes, avec cet exemple d'Hugo :

Oui, Canaris tu vois le sérail, et ma têt(e)
Arrachée au cercueil pour orner cette fêt(e)

b) la rime équivalente à un monosyllabe en relation d'inclusion avec un autre mot, dans cet autre exemple d'Hugo :

En tournoyant comme une roue,
Fait étinceler sur ma proue

c) la rime couronnée dans ces vers extraits des Ballades:

Dames en brillants équipages,
Pages,
Fauconniers, clercs, et peu bénins
Nains.

d) et enfin la rime équivoquée, avec cet exemple de Mallarmé:

Muse qui le distinguas
Si tu savais calmer l'ire
De mon confrère Degas,
Tends -lui ce discours à lire.

En notant que ces rimes de paronymes sont porteuses de connotations autonymiques nous pouvons juger de l'incidence de l'organisation prosodique des mots sur la distribution des signifiés. Dans le premier cas, celui des monosyllabes homophones, le signe tête (e final muet) - qui de façon autonyme se définit ainsi : mot dont le signifiant est "t-ê-t-e" et le signifié "extrémité supérieure ou antérieure du corps de l'homme, de l'animal" - voit contextuellement, du fait de la rime, s'ajouter à cette définition : "rime avec fête (signifiant et signifié) dont il ne se distingue que par le phonème initial". De même que pour le deuxième cas, il convient d'ajouter à la définition du mot roue : "rime avec proue qui l'inclut (signifiant et signifié)". Ce type d'inclusion se rapproche de la rime couronnée mise à l'honneur par les grands rhétoriqueurs. Avec la rime couronnée l'écho n'est plus seulement syllabique, il correspond au signe. Jabès l'a bien compris qui l'utilise pour dévoiler les facettes sémantiques de vocables en relation paronymique :
Dans le mot "mort", il y a l'or du jour et de la mort.
[...]
Dans le mot "sort", il y a l'or du jour et de la mort."

Enfin dans notre quatrième cas, la rime équivoquée de Mallarmé ajoute à la définition du verbe lire : homonyme de la colère (l'ire), calembourg sur lyre. Autant de traits purement contextuels qui ne sauraient être répertoriés par "le" dictionnaire qui relèverait toutes les connotations poétiques actualisées ou potentielles - ouvrage pensable, même s'il n'est pas réalisable. Nul mieux que Mallarmé a su traduire cet empire du métalangage sur le vers, dont le mot-valise de Ponge "proême" résume tous les paradoxes. D'un côté Mallarmé proclame que tout poème composé autrement qu'en vue d'obéir au vieux génie du vers n'en est pas un...", et de l'autre c'est en Villiers de l'Isle-Adam qu'il semble chercher l'idéal du versificateur,"le vers n'étant autre qu'un mot parfait, vaste natif, une adoration pour la vertu des mots". Le vers, ni phrase, ni mot pour le poète, apparaît comme l'élément qui perturbe la hiérarchie mot/phrase/discours adoptée par les critiques (Paul Ricur n'y déroge pas). L'autonyme, qui est autant signe que déictique, peut nous aider à organiser de façon non hiérarchique les parties du discours poétique. Roussel a montré que des procédés voisins de ceux de la métrique pouvaient donner naissance à des récits non-mythiques. Le vers peut agir sur la prose métalinguistique jusqu'à transformer la forme codifiée des mots, en vertu de la licence poétique qui autorise ces mots de Queneau :

Mon amours ma peine
Il leur faut mouri'
Morte est la Seine
Mort est Paris

Suivant cette logique poétique toutes les métanalyses et remotivations du signe sont licites. Ainsi chez Mallarmé conte arabe peut-il receler crabe :

Amusez-vous du conte arabe
Moi, me voici devenu crabe.

Mais le vers "soluble dans l'air" ne devient-il pas "mot total" dans l'espoir rationnel d'une abolition de la différence entre le signe et la chose ? Ponge nous le suggère humoristiquement dans son poème Le Cycle des saisons où la feuillaison se présente comme une métaphore filée de la versification. Claudel entend faire basculer heuristiquement du côté de la création le mot total de son maître Mallarmé. Pour lui "le mot total, c'est l'univers (l'univers version à l'unité), cela qui impose le sens et le devoir".

Tout se passe, en dernière analyse, comme si l'autonymie traversant telle qu'en elle-même les genres du discours littéraire relativisait leurs conventions posant ainsi les jalons d'une heuristique générale.

 


B) les fondements poétiques de la lexicographie

1) De la poésie sanskrite aux ABC poétiques du moyen age

Les premiers dictionnaires écrits en sanskrit à partir du cinquième siècle se présentent sous la forme de poèmes et répondent aux besoins des poètes. En effet l'Amara-Koça d'Amarasimba, qui en constitue l'archétype, est composé en vers à l'usage des poètes. Il regroupe les termes importants et rares en fonction des différentes branches de la connaissance sacrée et profane.
Dans l'occident du Moyen Age selon un mouvement comparable, les dictionnaires de rimes ont précédé les dictionnaires de langue. En outre, du treizième au quinzième siècle on voit fleurir les ABC poétiques et les anti-lipogrammes (poèmes composés sur le modèle alphabétique à l'initiale ou à la finale du vers ). L'ABC des doubles de Guillaume Alexis (1451) constitue le témoignage la plus frappant de ce "clinamen" lexicographique des poètes du bas Moyen Age. L'ABC des doubles est un poème de 1287 octosyllabes en rimes équivoquées, c'est-à-dire homonymiques non seulement à la rime mais sur le dernier syntagme, tels que les vers suivant :

Car de tant plus qu'il s'y amuse
Tant plus son corps et son ame use

Contrairement à la plupart des ABC contemporains de l'ABC des doubles, les lettres de l'alphabet ne s'y trouvent pas au commencement des vers ou des strophes; ce sont les mots-rimes "équivoqués" eux-mêmes qui commencent tour à tour par A, B, C,.. En l'occurrence le poète traduit à la fois sa volonté d'organiser la connaissance morale selon un ordre lexicographique et son souci de remotiver phonétiquement les entrées de ce dictionnaire virtuel (v. dans l'exemple cité plus haut, le poète nous fait lire le sème virtuel de l'usure de l'âme dans le verbe amuser).

 

2) Un sens plus pur aux mots du dictionnaire

Eugène Guillevic nous a récemment donné un bel exemple de ce que notre attention aux arborescences heuristiques (et non plus aux seules contraintes formelles) nous permettra peut être d'unifier sous le vocable de poésie lexicographique. A l'instar du dictionnaire le parcours heuristique qui gouverne son recueil Lexiquer est alphabétique : l'oeuvre se compose des vingt-six lettres de l'alphabet.


Les avant-gardes du premier vingtième siècle ne se satisfont plus de l'antidote mallarméen, le vers comme écart de la sémantique d'usage des "mots de la tribu". Les vocables ne grandissent pas ex nihilo. Ils sont codifiés par un texte donné comme canonique et qu'il n'est plus question de laisser hors du champ poétique : le dictionnaire. L'exclusion de la poésie du corpus scientifique, effet secondaire de l'essor de l'herméneutique, fait qu'au lieu comme les poètes de la Pléiade de s'engager dans le débat lexicologique, le poète moderne - indésirable et solitaire en dépit de la poésie - va entrer en conflit avec le lexicographe. Avant même Tzara et la dadaïsme zurichois, c'est Duchamp qui va engager les hostilités, dès les années dix, dans les notes accompagnant son "Grand verre", La Mariée mise à nu par ses célibataires, même. Notons au passage cette formule qui témoigne de la conscience aiguë chez Duchamp de l'autonymie, éclairant son "nominalisme pictural" et son désir "d'emporter l'esprit du spectateur vers d'autres régions plus verbales".

On peut regarder voir;
On ne peut pas entendre entendre.

La métaphore heuristique constitutive d'une poésie lexicographique n'est plus seulement une opération de substitution. Elle exclut le phore en déplaçant les sèmes :

Employer "retard" au lieu de tableau ou peinture; tableau sur verre devient retard en verre - mais retard en verre ne veut pas dire tableau sur verre. - C'est simplement un moyen d'arriver à ne plus considérer que la chose en question est un tableau - [...]"Retard" - un retard en verre, comme on dirait un poème en prose ou un crachoir en argent;"

Que l'on ne s'y trompe pas Duchamp ébauche ici une véritable méta-définition dé-couvrant celle du dictionnaire, qui sera reprise à l'article retard de ce lexique parallèle que constitue le Dictionnaire abrégé du surréalisme. A plusieurs occasions Duchamp manifeste sa volonté de composer un dictionnaire pour la partie écrite du "Grand verre". Conscient sans doute du danger d'une poésie de l'écart, il comprend que plutôt que de créer un contre dictionnaire, il faut se décider à intervenir sur le canon lexicographique à la manière dont Brisset intervient sur le canon grammatical. Ce dictionnaire ne s'ajoutera pas au dictionnaire d'usage; il ne se marquera pas comme écart mais comme remise en perspective heuristique.

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Lorsqu'il évoque le "nominalisme pictural", Duchamp fait immédiatement suivre ce qui semblait une affirmation par la restriction" (à contrôler)". En fait, il n'est rien de moins nominaliste que l'attaque de Duchamp contre le lexique. Si notre joueur d'échec souligne "l'antinomie fondamentale qui existe entre l'art et les ready-made", c'est que le ready-made relève d'une heuristique métalinguistique : la "reproduction bon marché d'un paysage de soir d'hiver" que Duchamp appelle "pharmacie" après y avoir ajouté "deux petites touches, l'une rouge et l'autre jaune", devient un signe de signe. Le ready-made suppose une opération autonymique, non pour assurer la primauté du signe mais pour affirmer l'objectivisation de la chose, qui prête ainsi à toutes les permutations heuristiques de signes : et c'est le "ready-made aidé".
Dans une autre sphère, mais peut-être pas à l'autre extrême, il convient d'évoquer le "néo-cratylisme" de Claudel, qui n'aboutit pas à une mise en cause du dictionnaire. les préoccupations de Claudel sont ailleurs. La seule "lexicographie" qui mérite commentaire à ses yeux est celle de la nature, le grand livre divin de la nature, celui du Moyen Age proto-lexicographique : selon Claudel " Nous sommes sûrs de notre lexique; pas plus que les substantifs eux-mêmes, les verbes neutres ou actifs, qui en expriment les actions et les rapports ne faudront à leur office. Les heures et les saisons réservent toujours les mêmes provisions d'adjectifs et d'adverbes. Il suit donc d'après l'insistance avec laquelle elle les maintient ou les répète, que tous les vocables couchés aux pages de la nature ont pour elle une valeur propre, un sens indispensable, un import typique, sacramentel, une authenticité, et qu'ils sont l'objet prédéterminé du travail auquel ils servent de termes."
Symbole de la grande confusion qui règne dans les années 20, Leiris pour sa part laisse jouer le balancier dualiste préservant le statu quo entre la poésie et les sciences humaines pour mieux conjurer sans doute la réconciliation des sciences humaines et des sciences de la nature. Selon Leiris "Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est fait pour faciliter leurs relations mutuelles. C'est dans ce but d'utilité qu'ils rédigent des dictionnaires, où les mots sont catalogués, doués d'un sens bien défini (croient-ils) basé sur la coutume et l'étymologie." Leiris avance donc qu'en disséquant les mots que nous aimons, sans se soucier de suivre l'étymologie, ni la signification admise, nous découvrons les vertus les plus cachées et les ramifications secrètes qui se propagent à travers tout le langage, canalisées par les associations de sons, de formes et d'idées". Antonin Artaud lui apporte sa caution : "Oui voici le seul usage auquel puisse servir désormais le langage, un moyen de folie, d'élimination de la pensée, de rupture, le dédale des déraisons, et non pas un dictionnaire où tels cuistres des environs de la Seine canalisent leurs rétrécissements spirituels". Ces imprécations trouvent leur écho jusqu'au premier manifeste de l'oulipo, publié en 1960, qui débute ainsi, non sans ironie "ouvrons un dictionnaire aux mots "Littérature Potentielle." Nous n'y trouvons rien. Fâcheuse lacune". Toutefois l'oulipo, loin de la "théologie négative" des lexicographes surréalistes va tenter de réconcilier rhétorique en tentant de s'appuyer sur les mathématiques pour proposer les premiers modèles heuristiques de la poésie lexicographique tels que le S + 7 qui consiste à remplacer tout substantif d'un poème par le septième qui le suit dans un dictionnaire donné. Le poète ne peut plus se permettre d'être dupe de son livre de chevet. Et de même que certains critiques s'adonnent à la littérature comparée, il n'hésite pas à esquisser une manière de lexicographie comparative :

L'imprimerie nationale
sur les portes il y a écrit
Sortie d'usine stationnement interdit
ce qui vous oblige à réfléchir sur ce mot usine
Littré comme Larousse parlent de machines
mais ce dernier ajoute qu'on y transforme des matières
premières en produits finis

Chez Raymond Queneau, le poème devient objet lexicographique au même titre que le mot :

rue pierre larousse
mirabeau - Orateur français (1749-1791)
Encycl. Sous son pont coule la Seine.

Il n'est plus un territoire du mot que le poète ne veuille annexer. Ne s'arrêtant pas à la lexicographie, Ponge va se pencher sur la lexicologie en réorganisant poétiquement les champs lexicaux :

Le lezard dans le monde des mots n'a pas pour rien ce zède ou zèle tortillard, et pas pour rien sa désinence en ard, comme fuyard, flemmard, musard, pendard, hagard.

ou les familles de mots :

Olives vertes, vâtres, noires.

Cette redistribution des affinités lexicales conduit nécessairement à la néologie dont les lois constituent une heuristique de la création verbale :

L'Hirondelle : mot excellent; bien mieux qu'aronde, instinctivement répudié.
L'Hirondelle, l'Horizondelle : l'hirondelle, sur l'horizon, se retourne, en nage-dos libre.
L'Ahurie-donzelle : poursuivie-poursuivante, s'enfuit en chasse avec des cris aigus.


3) A l'assaut de Babel

Nous évoquions, hâtivement sans doute, le renoncement des poètes "modernes" au droit de regard que leur a légué la Pléiade sur l'élaboration de la langue. Cela reste valable pour le français, mais on assiste à une sorte de transfert d'ambition, et c'est le mythe d'une langue universelle, incréée, vicariante du logos divin, qui va constituer l'horizon des avant-gardes. Fort de la prétérition de Rimbaud "Le temps d'un langage universel viendra !", René Daumal résout la langue d'usage dans un autonyme qu'il lexicalise : "le non".
Or l'autonymie a ceci de surprenant qu'elle permet de passer du mythe à la réalité d'une Babel abolie. L'autonymie autorise en effet l'usage en français de vocables étrangers. Comme le relève Rey-Debove "Il n'existe ni régionalismes ni mots étrangers parmi les autonymes. L'autonyme issu d'items regionaux ou étrangers a sa place dans la bouche de n'importe quel locuteur : il est interlinguistique.". La recherche d'une langue universelle que nous avions cru mythique ne répondrait-elle pas plutôt aux virtualités heuristiques de toute langue ? Les glossaires poétiques de Claudel et de Leiris ont ceci de commun qu'ils intègrent des vocables étrangers. L'autonymie le permet. Il reste à établir la relation entre l'autonymie et le pérégrinisme, figure récurrente dans la poésie française depuis le fameux "je ris au wasserfall" de Rimbaud, qu'il soit remotivé phonétiquement chez Ponge

Stabat un volet

ou autonymiquement, comme nom de lettre, chez Queneau :

Je n'admire tant la lune
que depuis que je sais qu'en arabe
elle s'appelle Q M R.

 


C) la poésie contre l'arbitraire du signe

 

1) la remotivation poétique du signe

Indépendamment des querelles entre nominalistes conceptualistes et réalistes, le poète ne peut durablement se satisfaire de l'arbitraire du signe. Ouvertement ou secrètement, autant que ses options théoriques le lui permettent, il travaille à l'établissement d'un lien de nécessité entre le signe et son référent. Cette composition poétique de la langue aboutit à une remotivation du signe. La remotivation ou motivation poétique se fonde le plus souvent sur l'analogie morphologique, voire sur l'isomorphie, entre un signe et un autre signe envisagés dans leur totalité, donc comme autonyme. Ce pli de la langue participe chez Ponge de ce qu'il appelle la "métalogie", et s'approche d'une méta-logique :

Les ombelles ne font pas d'ombre, mais de l'ombe :
c'est plus doux.

En suivant le gymnaste de Ponge la poésie devient une preuve par ce que le logicien médiéval William de Shyreswood appelait la suppositio materialis

Comme son G l'indique le gymnaste porte le bouc et la moustache que rejoint presque une grosse mèche en accroche-coeur sur un front bas.

L'analogie morphogénétique chez Ponge ne remotive pas seulement le cosmos, elle peut aller jusqu'à remotiver l'histoire :

14 JUILLET

...] c'est l'odeur du bois blanc du Faubourg Saint-Antoine,
et ce J a d'ailleurs la forme du rabot.

La remotivation s'articule également sur ces deux piliers de la poésie que sont la rime et l'étymologie. La rime nous l'avons vu, peut remotiver un mot en dévoilant sa relation d'inclusion avec un autre mot; fenêtre se trouve ainsi chez Ponge remotivé par être :

la fenêtre
de tout son corps
rimant avec être
montre le jour


Quant à l'étymologie comme figure et non comme discipline, elle constitue l'équivalent sémantique de la remotivation morphologique, tout en apparaissant comme plus légitime. Ponge peut en user pour motiver l'analogie métonymique de l'assiette avec son contenu :

...] le nom de sa belle matière d'un coquillage fut pris. Nous d'espèce vagabonde, n'y devons pas nous asseoir. On la nomma porcelaine, du latin - par analogie - porcelana, vulve de truie... Est-ce assez pour l'appétit ?

La remotivation peut s'accompagner d'un traitement de l'autonyme connoté inverse à celui qui aboutit au mot-valise. C'est ce que Bernard Dupriez nomme plaisamment le "mot-dévalisé [...]dans lequel on suppose qu'un terme usité est en réalité le résultat de la contraction de plusieurs mots en un équivalent périphrastique". L'art para-lexicographique de Michel Leiris repose, pour une bonne part, sur ce procédé. Ainsi, dans son Glossaire, foudre est-il défini comme "le feu en poudre".

 

2) les noms de lettres ou si les signes sont des choses

Les noms de lettres, qui se présentent autant comme formes que comme phonèmes, sont propices à la remotivation. Dans ce domaine, Rimbaud n'est pas isolé, l'itinéraire de Pierre Emmanuel, qui dans les premières pages de son Grand uvre décline le mantra aum, nous laisse entrevoir les possibilités de la remotivation des noms de lettres avec des formules aussi éloquentes que celle-ci :

Car ce A du commencement n'est que la fin d'un Oméga

Or, s'agit-il vraiment en l'occurrence d'une remotivation ? Le nom de lettre est intrinséquement signe de signe. Le lien qui donc unit le signe A à la lettre A est donc motivé a priori, quelle que soit l'actualisation. Dans le cas des noms de lettres "le signe ressemble à un référent qui est lui-même un élément de signe : on ne sort pas de la langue, "alors que dans le cas de l'onomatopée, le système du monde pénètre le système des signes", observe Rey-Debove, tout en prenant soin d'ajouter que "la situation du nom de lettre se rapprocherait de l'onomatopée lorsqu'elle signifie la forme matérielle de la lettre. Dans les expressions un virage en S, un décolleté en V, une antenne en T, etc. Le S signifie "la forme S" qui n'est pas la "lettre S". Le poète va cultiver cette équivoque entre la lettre et la forme, remotivant la relation signe-monde. Ponge remotive le mot cruche en jouant sur l'analogie entre la forme de la cruche et celle de sa troisième lettre :

Pas d'autre mot qui sonne comme cruche. Grâce à cet U qui s'ouvre en son milieu, cruche est plus creux que creux et l'est à sa façon. C'est un creux entouré d'une terre fragile : rugueuse et fêlable à merci.

 


IV - HEURISTIQUE APPLIQUÉE

Si nous suivions les méthodes en vigueur au sein de la critique universitaire, notre recherche trouverait son terme dans sa phase herméneutique. Or l'orientation heuristique de nos analyses veut que l'induction devienne indissociable de la déduction pour se résoudre en ce Peirce appelait l'abduction. L'impératif heuristique qui subordonne la critique littéraire à la création, articule la relation critique à la relation d'ordre (au sens mathématique du terme).
Aussi l'heuristique littéraire réintègre-t-elle dans notre horizon critique l'inventio de la rhétorique classique. L'inventio qui n'est autre que l'eurèsis de l'Organon aristotélicien. L'inventio qui était objet de l'herméneutique, devient le moteur de l'heuristique, comme de la création littéraire. La critique littéraire doit donc résoudre l'antinomie bachalardienne entre épistémologie de la découverte et poétique de la connaissance. La mise en perspective heuristique de l'herméneutique doit nous permettre de créer des oeuvres. Qu'il soit bien entendu que l'heuristique littéraire n'a pas pour vocation d'élaborer des machines de computation.

 

A. poésie et axiomatique

Ainsi la dynamique heuristique introduit par l'autonymie en poésie a pour effet non seulement de repositionner la poétique dans le champ cognitif en l'articulant à la lexicographie mais encore de la confronter à l'axiomatique.
En effet, l'autonymie invalide le principe de contradiction et celui du tiers-exclu sur lesquels repose l'axiomatique dans la mesure où l'axiome "violette est une fleur" n'est pas contradictoire de l'axiome "violette est un mot".

Nous arrivons à cette absurdité pour l'axiomatique que le terme premier v n'est pas identique au terme premier v ! Or ce qui est inconcevable en axiomatique peut très bien être validé en poésie sans que l'on puisse dire que la proposition axiomatique est vraie et la proposition poétique fausse, bien au contraire. Le métalangage qui en mathématique est renvoyé à la méta-mathématique s'intègre parfaitement au poème sans qu'il soit nécessaire de distinguer les niveaux de discours. La logique poétique, et notamment dans sa dimension lexicographique, entretient implicitement une relation critique avec les mathématiques. Si la rigueur (et l'humour) du travail de l'oulipo reste exemplaire, la poésie ne peut se borner à une application systématique des formules mathématiques (telles que l'application de l'algèbre de Boole aux "poèmes booléens"). Les "oulipiens" en tentant de reconcilier poésie et formalisation mathématique privilégient à outrance les algorithmes au détriment des heuristiques mieux adaptées poutant à la recherche poétique.
L'approximation heuristique doit permettre de porter une contradiction épistémologique, que nous espérons féconde entre la poésie lexicographique et l'axiomatique. On sait que tout axiome repose sur des termes premiers non définis et posés comme tels. Les termes définis d'un théorème sont expliqués à partir de termes premiers non définis. Si l'on considère les définition de l'ensemble R des entrées du Robert et que l'on considère tout sème (unité de signification) comme un axiome et tout sémène (définition) comme un théorème, on voit que dans l'ensemble R aucun terme n'est primitif puisque chacun est défini par une entrée du dictionnaire. De même tout signe autonyme employé dans le poème par la relation métalinguistique qu'il entretient avec l'ensemble R, explicite ou connotative (ex. route rime avec doute) apporte une contradiction logique à l'a priori axiomatique.

 

B) heuristique de la création littéraire

La phase ultime de l'heuristique littéraire se confond avec la création poétique. Au cours de la phase herméneutique de notre recherche, nous avons structuré des éléments qui doivent nous permettre de combiner l'écriture du dictionnaire et celle du poème. A ce stade Etiemble, en définissant le dictionnaire comme un genre littéraire, nous apporte une précieuse caution. Nous reprendrons la proposition heuristique de Duchamp :

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Observons au passage que l'eurèsis du poète Duchamp s'articule parfaitement à l'heuristique "négative" et "positive" de l'épistémologue Imre Lakatos. En effet, Lakatos élabore une "méthodologie des programmes de recherche" qu'il subdivise en deux parties, la première nommée heuristique négative qui indique quelle voies de recherche éviter (cf. Duchamp "parcourir un dictionnaire et raturer tous les mots à raturer") et la seconde nommée "heuristique positive" balisant les voies de la recherche à suivre (cf. Duchamp "peut-être en rajouter quelques-uns. - Quelquefois remplacer les mots raturés par un autre").
Au terme du séminaire, forts de nos analyses herméneutiques nous tenterons d'opérer une synthèse heuristique de notre recherche à travers l'esquisse de deux uvres de poésie lexicographique : LAS-NOV, dictionnaire apocryphe du français, tome VI et LAS-NOV, poésies VI.

 

EN GUISE DE CONCLUSION

Interpréter n'est pas connaître. Les heuristiques nous démontrent que l''interprétation n'est qu'une phase du processus cognitif. En se cantonnant à l'herméneutique la critique littéraire a paradoxalement favorisé l'abandon épistémologique de la poésie. L'absence de la poésie au registre des disciplines cognitive aurait paru aberrante à un Jacques Peletier du Mans. Nul doute qu'aujourd'hui, alors que que la question humaniste se pose à nouveau avec acuité, une réintégration critique de la poésie dans l'horizon scientifique serait fort profitable, notamment à l'usage des logiciens qui pourraient entre autres mieux comprendre la portée de l'uvre d'un Raymond Lulle. Robert Blanché dans son ouvrage La Logique et son histoire se résigne à faire une place au théologien catalan en exprimant les regrets suivant : "A la vérité, plutôt que d'un instrument logique, on est là en présence d'un art qui permet de mettre instantanément en présence une multitude de "lieux" à la disposition du rhéteur". Les critiques à l'égard de Lulle, si elles sont pertinentes selon les idéaux logistiques, perdent de leur acuité si l'on veut bien reconnaître que Lulle "poématise" le calcul (pour reprendre la traduction du verbe allemand dichten proposée par Henri Corbin dans sa contribution à la traduction collective de l'Approche de Hölderlin de Heidegger).L'Ars Magna est divisé en treize parties : l'alphabet, les figures, les définitions, les règles, la table, etc. L'alphabet comprend neuf lettres : B, C, D, etc., chacune admettant six significations différentes selon qu'elle représente un principe absolu, un principe relatif, une question, un sujet, une vertu ou un vice. Voici par exemple ce que Lulle dit des deux premières lettres :

B. signifie : bonté. - différence. - est-ce que ? - Dieu. - justice. - avarice.
C. signifie : grandeur. - concorde. - quel ? - ange. - prudence. - gourmandise.


On ne peut comprendre la portée des travaux de Lulle si on les rattache a posteriori à une seule discipline telle que la logique. L'Ars Magna en effet ne s'éclaire qu'en relation avec les ABC du Moyen Age et notamment avec Li Abécés par ekivoke et li significations des lettres de Huon le Roi de Cambrai qui confère à chaque lettre de l'alphabet une fonction de signe en utilisant la rime équivoquées comme une combinatoire. Dans une optique heuristique il nous faut donc considérer Lulle non seulement comme un théologien-logicien mais aussi comme un poète.
Paul Valéry dans ses entretiens avec Frédéric Lefèvre avait eu cette intuition remarquable "Il y a bien une critique des valeurs et des moyens de la science, mais l'art de trouver (quoi qu'on l'ait baptisé euristique) demeure aussi personnel que tous les autres arts". Ce qu'il y a dans ce personnel, c'est un recours au même sujet de la phénoménologie comme instance à la fois de la création artistique et de la découverte scientifique dans une même appréhension qu'Husserl dirait noématique. Le prélude heuristique de l'esthétique de Baumgarten prend ici tout son sens. Valéry rend obsolète d'un coup les problématiques de l'impersonnalité en science et du lyrisme en poésie.

 

 

COLLÈGE INTERNATIONAL DE PHILOSOPHIE

Sciences, Intersciences, Arts
1, rue Descartes 75005 Paris

 

THÉORIE DE L'HEURISTIQUE LITTÉRAIRE

programme des séances

 

mars à juin 1991
____

 

A partir d'une critique de l'herméneutique nous tenterons au cours de ce séminaire de déplacer le centre de gravité de la critique littéraire vers l'heuristique. L'herméneutique, fût-elle sous la triple forme que lui confère Gadamer, n'épuise pas la pragmatique de la connaissance. L'herméneutique, ars interpretandi, n'est pertinente en critique littéraire que comme moment d'un processus plus vaste, ars inveniendi, l'heuristique.
Départis du clivage obsolète entre sciences humaines et sciences de la nature, nous nous attacherons à dégager les principes d'une heuristique littéraire, sachant a priori qu'ils sont susceptibles de régir tout à la fois la création poétique et la découverte scientifique.
Une fois admis que le poétique excède le lyrisme de l'appartenance, et que la poésie est justement cette discipline qui résout l'antinomie que Gadamer avait établie entre vérité et méthode, nous mettrons à l'épreuve nos outils heuristiques en tirant de l'étude des emplois autonymes du signe dans la poésie française les éléments d'une lexicographie poétique et les fondements d'une métalogie critique.

 

 

1 - mardi 19 mars de 16h à 18h / salle des débats B

critique de l'herméneutique

La "pluralité monolithique" de la critique littéraire contemporaine -L'herméneutique contre la poésie : jalons historique d'une "émancipation" (Schleiermacher, Dilthey, Heidegger)

 

2 - lundi 25 mars de 16h à 18h / amphi A

critique de l'herméneutique (suite)

L'herméneutique contre la poésie (suite): Gadamer et Jauss - la constitution d'un canon profane - illustration : le centenaire Rimbaud et le centenaire Banville - d'un canon, l'autre : Jonathan Culler - Harold Bloom nous propose-t-il une issue ? Le concept d'application repris par Gadamer aux piétistes et aux juristes relève-t-il de l'herméneutique ? - Boileau et Hugo réunis par "l'application".- commentaires sur la lecture par Hans-Robert Jauss des Dames du temps jadis de Villon - les Trente-six ballades joyeuses à la manière de François Villon de Théodore de Banville : esquisses d'une heuristique littéraire

 

3 - jeudi 4 avril de 16h à 18 h / amphi A

fondements d'une heuristique

L'heuristique, rameau perdu de la philosophie allemande :Baumgarten, Kant, un aspect négligé de l'uvre de Schleiermacher.- Aristote, Lulle, Descartes, Leibniz, Baumgarten, Bolzano - les heuristiques en intelligence artificielle - situation de l'heuristique littéraire au sein de l'heuristique générale.

 

4 - lundi 8 avril de 16h à 18h / amphi A

les avant-gardes furent-elles modernes ?
(de l'herméneutique de l'innovation
à l'heuristique de la transformation)

 

5 - jeudi 18 avril de 16h à 18h / amphi A

exemple d'une recherche en heuristique littéraire : le signe autonyme dans la poésie française

 

6 - lundi 13 mai de 16h à 18h / amphi A

valeur heuristique de l'autonymie dans la poésie française

Incertitudes de l'arbitraire du signe - la nominalisation - dédoublements de la référence - autonymie et rhétorique - autonymie et versification. - les fondements poétique de la lexicographie : de la poésie sanskrite aux ABC poétiques du Moyen Age - un sens plus pur aux mots du dictionnaire

 

7 - vendredi 31 mai de 16h à 18h / amphi A

éléments de poésie lexicographique

Rivaliser avec le dictionnaire : Tabourot, Jean de la Taille, Ménage, Cotin, Tardieu, Leiris, Queneau, Ponge, Cayrol, Perros, Pichette, L'Anselme, Lambert, Heidsieck, Estang, Duprey, Delteil, Bérimont.

 

8 - mercredi 4 juin de 16h à 18h / amphi B

éléments de poésie lexicographique (suite)

Les noms de lettres : Roger de Piis, Ponge, Pérol, Lubin - il faut imaginer Hermogène heureux - contre l'arbitraire du signe : D'Aubigné, Tardieu, Leiris, Claudel, Ponge, Queneau, Oster, Guy Benoit - A l'assaut de Babel : Rabelais, Butor, Deguy.