Bayonne, 5 mars 1820
J'avais lu le Traité d'économie
politique de J. B. Say excellent ouvrage très méthodique.
Tout découle de ce principe que les richesses sont
les valeurs et que les valeurs se mesurent sur l'utilité1 . De ce principe fécond2,
il vous mène naturellement aux conséquences les
plus éloignées, en sorte qu'en lisant cet ouvrage
on est surpris, comme en lisant Laromiguière3,
de la facilité avec laquelle on va d'une idée à
une idée nouvelle. Tout le système passe sous vos
yeux avec des formes variées et vous procure tout le plaisir
qui naît du sentiment de l'évidence4,.
Un jour que je me trouvais dans une société
assez nombreuse, on traita, en manière de conversation,
une question d'économie politique; tout le monde déraisonnait.
Je n'osais pas trop émettre mes opinions, tant je les
trouvais opposées aux idées reçues; cependant
me trouvant, par chaque objection, obligé de remonter
d'un échelon pour en venir à mes preuves, on me
poussa bientôt jusqu'au principe. Ce fut alors que M. Say
me donna beau jeu. Nous partîmes du principe de l'économie
politique, que mes adversaires reconnaissaient être juste;
il nous fut bien facile de descendre aux conséquences
et d'arriver à celle qui était l'objet de la discussion.
Ce fut à cette occasion que je sentis tout le mérite
de la méthode et je voudrais qu'on l'appliquât à
tout. N'es-tu pas de mon avis là-dessus ?
Notes
1.Bastiat fait sans doute allusion au livre second du Traité
d'économie politique de Jean-Baptiste Say, "De
la distribution des richesses", et plus particulièrement
au chapitre premier intitulé "Des fondements de la
valeur des choses".
L'impact décisif du Traité d'économie
politique (1803) de Say sur le jeune Bastiat est à
mettre en relation avec la fortune du Landais aux Etats-Unis
(son pamphlet La Loi, tiré à un million
d'exemplaires fut le livre de chevet de Ronald Reagan). On est
en droit, sans manier le paradoxe, de rappeler à ceux
qui aujourd'hui agitent le spectre de l'invasion "ultra-libérale"
venue de "l'hyper-puissance" américaine que
la république américaine, dès l'indépendance,
subit l'influence du libéralisme français ! Ainsi
l'ouvrage de référence des universités américaines
en matière d'économie ne fut pas l'Inquiry into
the Nature and causes of the Wealth of Nations de Smith mais
le Traité d'économie politique de Jean-Baptiste
Say qui connaîtra vingt-six rééditions outre-Atlantique
jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle. Plus
récemment Henry Hazlitt redécouvrit Say lorsqu'il
entreprit sa minutieuse critique de Keynes.
Say, lui-même, bénéficiait de l'influence
décisive qu'eut Destutt de Tracy sur le futur président
Jefferson. Destutt de Tracy fut le chef de file de l'école
dite, par ses adversaires, des "idéologues"
(alors que le terme exact adopté par Destutt de Tracy
était "idéologistes") dont la revue La
Décade philosophique domina la période révolutionnaire.
Par idéologie Destutt de Tracy entendait simplement la
« science qui a pour objet l'étude des idées
(au sens général de faits de conscience) de leur
caractères, de leurs lois, de leur rapport avec les signes
qui les représentent et surtout de leur origine».
Au terme "idéologie" ne s'attachait donc pas
alors la connotation péjorative que lui conférera
Marx. La notion n'est plus guère évoquée
aujourd'hui que dans le discours convenu sur "la mort des
idéologies". En deçà de cet usage galvaudé,
on oublie que l'idéologie a anticipé le renouveau
philosophique français des années 1820... à
telle enseigne que le seul idéologue que nous lisons encore
n'est autre que Stendhal. On comprend que Foucault ait voulu
ravaler l'idéologie à l'indignité de «
dernière des philosophies classiques » (Les Mots
et les choses, Gallimard, 1966, p.255) : reconnaître
la position fondatrice du courant de pensée dominé
par les physiocrates et les idéologues reviendrait à
admettre l'idée d'une correction de l'institution herméneutique
des sciences humaines (archéologie allemande : Schleiermacher,
Dilthey...) par son institution heuristique (archéologie
franco-allemande : Baumgarten, Kant, le Schleiermacher de la
Dialectique, les économistes Cantillon et Quesnay
- qui ont formé Adam Smith - Condorcet, Destutt de Tracy,
Volney, Cabanis et Say.
Jean Tulard dans son Dictionnaire du consulat et de l'empire
rejoint singulièrement Michel Foucault en négligeant
Destutt de Tracy dont l'oeuvre est à ses yeux «à
peine lisible» (l'a-t-il lu ?). Eludant le libéralisme
de Destutt de Tracy qui l'opposa à Napoléon, il
accrédite l'idée que ce dernier n'aurait voté
la déchéance de l'empereur que parce que ce dernier
«n'aimait pas les idéologues».
Tulard omet d'évoquer ce personnage considérable,
Thomas Jefferson, « l'homme des deux mondes que je respecte
le plus » dira Destutt de Tracy (Cf. Avertissement du Commentaire
sur L'Esprit des lois de Montesquieu, réimpression
de l'édition de Genève de 1819, Slatkine, 1970)
qui restera comme son maître à penser. Destutt de
Tracy peut être considéré un des pères
français du libéralisme baptisé hâtivement
anglo-saxon puisqu'il ira jusqu'à écrire deux ouvrages
pour Jefferson et le public américain, son Commentaire
sur L'Esprit de lois de Montesquieu (1811) et un Traité
d'économie politique, premier manuel d'économie
politique en vigueur dans une université américaine
(et donc dans le monde), celle de Virginie, fondée par
Jefferson en 1824.
Jefferson était, certes, soucieux de faire en sorte que
les étudiants de l'université de Virginie puisent
ailleurs qu'à la source anglaise, pour des raisons évidentes,
mais il n'en reste pas moins que la tradition américaine
partage avec le courant libéral français (incarné
par Say et Bastiat) deux traits fondamentaux qui la démarque
de l'école anglaise (Smith, Ricardo, Malthus): l'optimisme
et la référence constante aux fondements naturels
de l'individualisme.
Lorqu'on évoque la révolution néo-libérale
américaine, on ne peut donc passer sous silence ses sources
françaises et ignorer que Jean-Baptiste Say et Destutt
de Tracy ont eu une influence considérable sur la formation
de ce que nous appelons aujourd'hui, par abus de langage, le
libéralisme américain.
Les grincheux auront beau jeu de m'objecter que les Harmonies
économiques de Bastiat s'inspirent de l'américain
Henry Charles Carey, influence que Bastiat lui-même reconnaîtra.
Mais Carey n'était-il pas lui-même un disciple de
Say et de Destutt de Tracy ?
2. Bien qu'ayant toujours témoigné de sa dette
envers Jean-Baptiste Say, Bastiat nuancera cette adhésion
de jeunesse à l'argumentation de Say, dans ses Harmonies
économiques. A l'entrée "Utilité"
du long chapitre que Bastiat y consacre à la Valeur (chapitre
V). Il salue, une fois de plus, le rôle d'éclaireur
joué par Say «le premier qui ait secoué le
joug de la matérialité» et qui «fit
très expressément de la valeur une qualité
morale, expression qui peut-être dépasse le but,
car la valeur n'est guère ni physique ni morale, c'est
simplement - un rapport.» Une fois l'hommage rendu, Bastiat
formule ainsi ses réserves : « L'axiome de M. Say
était celui-ci : La valeur a pour fondement l'utilité.
S'il était ici question de l'utilité relative des
services humains, je ne contesterais pas. Tout au plus pourrais-je
faire observer que l'axiome est superflu à force d'être
évident. Il est bien clair en effet que nul ne consent
à rémunérer un service que, parce
ce qu'à tort ou à raison, il le juge utile. Le
mot service renferme tellement l'idée d'utilité,
qu'il n'est autre chose que la traduction en français,
et même la reproduction littérale du mot latin uti,
servir.
« Mais malheureusement ce n'est pas ainsi ainsi que Say
l'entendait. Il trouvait le principe de la valeur non seulement
dans les services humains rendus à l'occasion des choses,
mais encore dans les qualités utiles, mises par
la nature dans les choses elle-mêmes. - Par là il
se replaçait sous le joug de la matérialité.
Par là, il faut bien le dire, il était loin de
déchirer le voile funeste que les économistes anglais
avaient jeté sur la question de propriété
(Oeuvres complètes, huitième édition,
tome sixième, Paris, Guillaumin et Cie, 1881, p.180-182)».
Pour le Bastiat polémiste qui ferraillera avec tant d'ardeur
contre les socialistes dans le maelström d'idées
qui accompagnera la révolution de 1848, cette erreur de
Say est lourde de conséquence car l'économie politique
prête ici le flanc aux socialistes, et notamment à
Proudhon, en lui fournissant des arguments pour attaquer la propriété.
A l'instar de Marx qui fit siennes les théories de la
valeur de Smith et de Ricardo, les socialistes utopistes français
s'appuyèrent paradoxalement sur les analyses de Say -
d'où les réserves sur l'héritage de Say
développées ainsi par Bastiat:
« Avant de discuter en lui-même l'axiome de Say,
j'en dois faire voir la portée logique, afin qu'il ne
me soit pas reproché de me lancer et d'entraîner
le lecteur dans d'oiseuses dissertations.
« On ne peut pas douter que l'Utilité dont parle
Say est celle qui est dans les choses. Si le blé, le bois,
la houille, le drap ont de la valeur, c'est que ces produits
ont des qualités qui les rendent propres à notre
usage, à satisfaire le besoin que nous avons de nous nourrir,
de nous chauffer, de nous vêtir.
« Dès lors, comme la nature crée de l'Utilité,
elle crée de la Valeur; funeste confusion dont
les ennemis de la propriété se sont fait une arme
terrible [note de l'éditeur : c'est nous qui soulignons].
« Voilà un produit, du blé, par exemple.
Je l'achète à la halle pour seize francs. Une grande
partie de ces seize francs se distribue, par des ramifications
infinies, par une inextricable complication d'avances et de remboursements,
entre tous les hommes qui, de près ou de loin, ont concouru
à mettre ce blé à ma portée. Il y
a quelque chose pour le laboureur, le semeur, le moissonneur,
le batteur, le charretier, ainsi que pour le forgeron, le charron
qui ont préparé les instruments. Jusqu'ici il n'y
a rien à dire, que l'on soit économiste ou communiste.
« Mais j'aperçois que quatre francs sur mes seize
francs vont au propriétaire du sol, et j'ai bien le droit
de demander si cet homme, comme tous les autres, m'a rendu un
Service pour avoir, comme tous les autres, droit incontestable
à une rémunération.
« D'après la doctrine que cet écrit aspire
à faire prévaloir, la réponse est catégorique.
Elle consiste en un oui très formel. Oui le propriétaire
m'a rendu un service. Quel est-il ? Le voici : il a, par
lui-même ou par son aïeul, défriché
et clôturé le champ; il a purgé de mauvaises
herbes et d'eaux stagnantes; il a bâti une maison, des
étables, des écuries. Tout cela suppose un long
travail qu'il a exécuté en personne ou, ce qui
revient au même, qu'il a payé à d'autres.
Ce sont certainement là des services qui en vertu de la
juste loi de réciprocité, doivent lui être
remboursés. Or, ce propriétaire n'a jamais été
rémunéré, du moins intégralement.
Il ne pouvait pas l'être par le premier qui est venu lui
acheter un hectolitre de blé. Quel est donc l'arrangement
qui est intervenu ? Assurément le plus ingénieux,
le plus légitime et le plus équitable qu'on pût
imaginer. Il consiste en ceci : quiconque voudra obtenir un sac
de blé payera, outre les services des différents
travailleurs que nous avons énumérés, une
petite portion des services rendus par le propriétaires:
en d'autres termes, la Valeur des services du propriétaire
se répartira sur tous les sacs de blé qui sortiront
de ce champ.
« Maintenant on peut demander si cette rémunération,
supposée être ici de quatre francs, est trop grande
ou trop petite. Je réponds : cela ne regarde pas l'économie
politique. Cette science constate que la valeur des services
du propriétaire foncier se règle absolument par
les mêmes lois que la valeur de tous les autres services,
et cela suffit.
« On peut s'étonner aussi que ce système
de remboursement morcelé n'arrive pas à la longue
à un amortissement intégral, par conséquent
à l'extinction du droit de propriétaire. Ceux qui
font cette objection ne savent pas qu'il est dans la nature des
capitaux de produire une rente perpétuelle; c'est ce que
nous apprendrons plus tard.
« Pour le moment, je ne dois m'écarter plus longtemps
de la question, et je ferai remarquer (car tout est là)
qu'il n'y a pas dans mes seize francs une obole qui n'aille rémunérer
des services humains, pas une qui corresponde à la prétendue
valeur que la nature aurait introduite dans le blé
en mettant l'utilité.
« Mais si, vous appuyant sur l'axiome de Say et des économistes
anglais, vous dites : Sur les seize francs, il y en a douze qui
vont aux laboureurs, semeurs, moissonneurs, charretiers, etc.,
deux qui récompensent les services personnels du propriétaire;
enfin deux autres francs représentent une valeur qui a
pour fondement l'utilité créée par Dieu,
par des agents naturels, et en dehors de toute coopération
humaine; - ne voyez-vous pas qu'on vous demandera de suite :
qui doit profiter de cette portion de valeur ? qui a droit
à cette rémunération ? Dieu ne se présente
pas pour la recevoir. Qui osera se présenter à
sa place ?
«Et plus Say veut expliquer la propriété
sur cette donnée, plus il prête le flanc à
ses adversaires. Il compare d'abord, avec raison, la terre à
un laboratoire, où s'accomplissent des opérations
chimiques dont le résultat est utile aux hommes. «Le
sol, ajoute-t-il, est donc producteur d'une utilité,
et lorsqu'IL (le sol) la fait payer sous la forme d'un profit
ou d'un fermage pour son propriétaire, ce n'est
pas sans rien donner au consommateur en échange de ce
que le consommateur LUI (au sol) paye. IL (toujours le sol) lui
donne une utilité produite, et c'est en produisant cette
utilité que la terre est productive aussi bien que le
travail.»
« Ainsi, l'assertion est nette. Voilà deux prétendants
qui se présentent pour se partager la rémunération
due par le consommateur du blé, savoir : la terre et le
travail. Il se présentent au même titre, car le
sol, dit M. Say, est productif comme le travail. Le travail demande
à être rémunéré d'un service;
le sol demande à être rémunéré
d'une utilité, et cette rémunération, il
ne la demande pas pour lui (sous quelle forme la lui donnerait-on
?), il la réclame pour son propriétaire.
« Sur quoi Proudhon somme ce propriétaire, qui se
dit chargé de pouvoirs du sol, de montrer sa procuration.
« On veut que je paye, en d'autres termes, que je rende
un service, pour recevoir l'utilité produite par les agents
naturels, indépendamment du concours de l'homme déjà
payé séparément.
« Mais je demanderai toujours : qui profitera de mon service
?
« Sera-ce un homme ? mais à quel titre ? Si c'est
pour m'avoir rendu un service, à la bonne heure. Mais
alors vous êtes à mon point de vue. C'est le service
humain qui vaut, et non le service naturel; c'est la conclusion
à laquelle je veux vous amener.
« Cependant, cela est contraire à votre hypothèse
même. Vous dites que tous les services humains sont rémunérés
par quatorze francs, et que les deux francs qui complètent
le prix du blé répondent à la valeur créée
par la nature. En ce cas, je répète ma question
: à quel titre un homme quelconque se présente-t-il
pour les recevoir ? Et n'est-il pas malheureusement trop clair
que, si vous appliquez spécialement le nom du propriétaire
à l'homme qui revendique le droit de toucher ces deux
francs, vous justifiez cette trop fameuse maxime: la propriété,
c'est le vol?
« Et qu'on ne pense pas que cette confusion entre l'utilité
et la valeur se borne à ébranler la propriété
foncière. Après avoir conduit à contester
la rente de la terre, elle conduit à contester
l'intérêt du capital [suit un long développement
sur ce thème](Oeuvres complètes, huitième
édition, tome sixième, Paris, Guillaumin et Cie,
1881, p.184-185)» et Bastiat de conclure « Habituons-nous
donc à distinguer l'Utilité de la Valeur. Il n'y
a de science économique qu'à ce prix. Loin que
l'Utilité et la Valeur soient identiques ou même
assimilables, j'ose affirmer, sans crainte d'aller jusqu'au paradoxe,
que ce sont des idées opposées (Op. cit.
p.187) [...] J'admettrai avec M. Say que l'Utilité est
le fondement de la Valeur, pourvu qu'on convienne qu'il ne s'agit
nullement de l'utilité qui est dans les choses, mais de
l'utilité relative des services [...] J'admettrai avec
Ricardo que le Travail est le fondement de la valeur, pourvu
d'abord qu'on prenne le mot travail dans le sens le plus général,
et ensuite qu'on ne conclue pas à une proportionnalité
contraire à tous les faits, en d'autres termes pourvu
qu'on substitue au mot travail le mot service (Op.
cit., p.193) ».
Say et les économistes anglais seraient donc bien à
l'origine du mythe socialiste de l'exploitation de l'homme par
l'homme et de la lutte des "classes" qu'elle légitimerait.
3. Pierre Laromiguière (1756-1837). Le rapprochement
entre Say et le philosophe Laromiguière ne surprendra
que ceux qui ne voient en Bastiat qu'un économiste. Comme
Bastiat, il est originaire du Sud-Ouest, tout comme Bastiat,
il eut son heure de gloire dans la première moitié
du dix-neuvième siècle avant de tomber dans l'oubli.
L'oeuvre de Laromiguière jette un pont surprenant entre
le sensualisme de Condillac, dont il est l'héritier, et
l'éclectisme de Victor Cousin dont il fut le maître.
Cousin, dont la philosophie connaît son heure de gloire
sous la Restauration, émet sur Laromiguière un
jugement analogue à celui de Bastiat en évoquant
le style de ses leçons «ou dans une clarté
suprême s'unissent sans efforts les grâces de Montaigne,
la sagesse de Locke et, quelquefois aussi, la suavité
de Fénelon». On notera encore le penchant de Bastiat
pour les philosophes et les économistes qui savent prendre
appui sur le socle de la rhétorique. La publication du
Projet d'éléments de métaphysique
en 1794, à Toulouse, vaudra à Laromiguière
l'estime des idéologues, au premier rang desquels Destutt
de Tracy. Lorsque Laromiguière entre à l'Institut,
c'est comme membre associé à la section de l'analyse
des idées et des sensations, qui reprend les domaines
couverts par les travaux de Condillac et de Destutt de Tracy.
4. Voilà déjà Bastiat tout entier dans
ce jugement de critique littéraire qui, même au
coeur de sa théorie économique, ne boude jamais
"le plaisir du texte". C'est la force de Bastiat d'avoir
su mettre les inépuisables ressources des humanités
au service de l'économie et il n'est pas interdit de chercher
dans la dissociation universitaire de ces deux pôles de
la création l'origine de la faiblesse du libéralisme.
L'abstraction des sphères du droit et de l'économie
du domaine de la création littéraire et artistique
semble avoir définitivement livré ce dernier aux
mains de pseudo-chercheurs qui n'ont que la propriété
collective pour vulgate.
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